Année A

Dimanche 29 novembre 1998 Premier dimanche de l’Avent – Année A

« L’heure est venue de sortir de votre sommeil ! «

» On mangeait, on buvait, on se mariait… » (Mt 24, 38) Ces faits se répètent indéfiniment depuis le commencement de l’histoire humaine. Ils assurent la permanence de la vie dans nos sociétés. Qui oserait les regarder de haut en une époque où tant d’entre nous meurent de faim, tandis que beaucoup hésitent à fonder une famille ? Cependant, nous avons appris à donner à nos repas le charme gratuit d’une réunion amicale, à en faire l’occasion d’une fête. Et que serait l’engagement mutuel d’un homme et d’une femme s’il ne célébrait pas la présence et aussi la promesse d’un amour ? Bref, nous ne sommes pas satisfaits de vivre dans le présent. Nous allons par la pensée vers demain, et plus loin encore. Notre imagination se plaît à nous représenter de quoi l’avenir sera fait. Elle nous trompe parfois. Mais, du moins, grâce à elle, notre vie se révèle comme une attente continuelle. Nous ne sommes pas asservis à l’immédiat. Seul nous importe vraiment ce qui viendra. Tous, déjà, nous avons attendu, et nous attendons encore, quelque chose ou, mieux, quelqu’un, et, à certaines heures graves, le secours d’une main amie. Qu’en est-il de nous, héritiers de la Promesse, qui attendons » l’avènement du Fils de l’Homme » (Ibid. v.39) ? Notre attente se creuse et se remplit de la réalité d’une espérance dont nous sommes les premiers à nous émerveiller. C’est comme si de la lumière se mêlait à l’obscurité qui persiste. » La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. » (Rom 13, 12) Nous continuons à avancer comme à tâtons, sans voir, mais non pas sans entendre une voix qui nous appelle à passer notre temps dans la joyeuse préparation d’une rencontre avec un Frère qui est notre Dieu. » Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. » (Mt 24 43) Or, si nous restons éveillés, personne ne nous dérobe le temps que nous vivons, Sans doute, nous pouvons nous perdre en lui, » pour satisfaire nos tendances égoïstes ? » (Rom 13, 14) Mais nous pouvons aussi le dépenser généreusement, en devenant les témoins de Celui qui arrive pour tous. » Il sera le juge des nations, l’arbitre de la multitude des peuples. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre. » (Is 2, 4) Ainsi, notre espérance nous rend forts. Car en elle nous recevons déjà Celui qui viendra. C’est comme s’il prenait sa chair de nous-mêmes, qui L’attendons encore, tandis que nous mangeons, que nous buvons et nous marions (cf. Mt 24, 38). Car le Fils de l’Homme naît et grandit déjà dans l’attente des hommes. Sa venue est dans notre croissance. En effet – et ceci devrait sans cesse nous plonger dans l’admiration – tes témoins que nous sommes ne ressemblent pas à des spectateurs qui connaîtraient la fin d’une pièce de théâtre et l’annonceraient aux autres, qui l’ignorent encore. Il s’agit de tout autre chose ! La venue de Dieu dans le monde s’incorpore à notre propre vie. Si fragile que soit notre existence humaine, Dieu Lui-même s’y associe, Il en prend la misère comme la splendeur. Voilà ce qui nous est révélé au long des jours, non seulement à chacun, dans le secret, mais à tous, quand nous faisons avec des frères une communauté, semblable à une ville, à Jérusalem, » où tout ensemble ne fait qu’un » (Ps 121,3) En définitive, comme une femme donne sa chair à l’enfant qu’elle a conçu, qu’elle porte et qu’elle e met au monde, ainsi, par grâce, c’est toute notre histoire, individuelle et communautaire, qui nourrit d’elle-même le Dieu qui vient. Une femme, Marie, n’a-t-elle pas donné de son corps et de son âme pour que se forme en elle le Messie, Jésus, qu’elle attendait ?

Dimanche 9 décembre 2001 – année A 2e dimanche de l’Avent

Les messages de l’insécurité

Il n’arrive qu’aux autres de perdre leur travail ou d’en être menacé. Il n’arrive qu’aux autres de tomber gravement malade. Il n’arrive qu’aux autres d’être agressé dans la rue. Il n’arrive qu’aux autres d’être victime du terrorisme. L’expérience nous apprend que tout cela est faux. Il n’y a pas, d’un côté, des spectateurs de l’insécurité et, de l’autre, des gens qui en pâtissent. Pendant longtemps nous pouvons être indemnes de la peur qui vient des événements ou des autres. Mais il arrive toujours que cette peur, de quelque façon, nous rattrape et même en vienne jusqu’à nous obséder. Que pouvons-nous faire de cette peur ? A quoi nous appelle-t-elle ? D’abord, nous avons à reconnaître l’insécurité et la peur qu’elle engendre comme des corps étrangers qui viennent habiter en nous à la façon de parasites. Car nous n’avons pas été créés pour vivre avec ce qui empêche de vivre ! Nous ne pouvons donc pas consentir à ce qui nous paralyse et, pour finir, nous mine avant peut-être de nous détruire. Or, pour se rendre libre de la servitude de la peur, rien de tel que de se garder de toute haine envers ceux que nous tenons, à tort ou à raison, pour les artisans de ce qui pourrait nous anéantir. Car, certes, nous ne sommes pas tous, indistinctement, coupables. Chacun, individu ou groupe social, est personnellement responsable de ce qu’il fait, en bien comme en mal. Mais nous sommes tous solidaires les uns des autres parce que, tous, nous appartenons à la même alliance d’humanité. Nous ne pouvons donc pas nous séparer de tous ceux que nous appelons les » méchants « . Sans complicité avec le mal qu’il font, nous ne pouvons que les aimer comme nous-même. Si nous acceptons d’avancer sur cette voie, nous ne tarderons pas à avouer que nous ne sommes pas nous-mêmes, spontanément, à la hauteur de la paix à laquelle nous aspirons. Car la paix nous manque à tous. Il nous revient donc de demander à être libérés de la peur, de l’insécurité et aussi, et d’abord, de la violence qui couve en chacun d’entre nous. Pourquoi ne ferions-nous pas nôtre la prière attribuée à Saint François d’Assise ? » Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix. Là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où est l’erreur, que je mette la vérité. Là où est le doute, que je mette la foi. Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse, que je mette la joie. «

Dimanche 19 décembre 2004 – année A 4e dimanche de l’Avent

L’alliance et son fruit

Joseph n’est pas le maître de l’alliance dans laquelle il est engagé. Il n’a pas la liberté de la rompre. Surtout, il lui faut admettre que le fruit de cette alliance ne dépend pas de lui mais d’un Autre, auquel il croit. Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint.

Nous ne pouvons comprendre la situation dans laquelle se trouve placé Joseph que si nous nous rappelons que toute alliance fructifie mais que son fruit a de quoi nous étonner sans cesse parce qu’il n’est pas le produit des contractants de l’alliance. Il est toujours un don. Il vient en plus, gratuitement, comme un miracle.

Tel est le régime des alliances entre nous. Le fils y est toujours autre qu’un enfant car il n’est pas seulement un vivant de plus. Tel est aussi le régime de l’alliance entre Dieu et l’humanité toute entière. Marie enfantera un fils que tu appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Ainsi donc, ici, à la différence entre l’enfant et le fils s’ajoute la différence du fils et du sauveur. Aussi Joseph, dans sa foi, est-il invité à reconnaître cette nouveauté singulière, à donner lui-même à l’enfant, devenu fils, le nom de sauveur.

Or, en tout cela, il n’y a rien qui ne soit conforme à la Parole du Seigneur, à ce qui a été annoncé, à ce qui est attendu par la foi de quiconque lit et écoute le prophète. Et tout cela arriva pour que s’accomplît ce que le Seigneur avait dit par le prophète : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui, traduit, signifie : Dieu- avec- nous. (paru dans Paris Notre-Dame)

Dimanche 23 décembre 2001 – année A 4e dimanche de l’Avent

L’enfant foi

Quand, au petit matin, nous ouvrons les volets de notre chambre, il ne nous vient pas à l’idée que le jour, qui a commencé de poindre, pourrait cesser de monter. Nous pouvons être tristes ou joyeux, inquiets ou sereins, malades ou bien-portants, le soleil s’est levé, une journée suivra. Nous ne pouvons pas arrêter la lumière. Elle est là. Nous sommes en elle. Mais quand elle s’en ira, le soir, quand la nuit viendra, où partira-t-elle ? C’est à une question de ce genre que Noël nous invite à répondre. Nous pouvons penser que le temps de notre vie et le temps du monde sont faits d’une suite ininterrompue de jours et de nuits, de joies et de peines, qui se chassent les uns les autres, inexorablement. Nous pouvons penser aussi que la lumière et la joie, quand elles s’en vont, ne sont pas détruites, qu’elles continuent à vivre quelque part, dans notre cœur, qui les garde. Pendant le jour, nous sommes dans la clarté, enveloppés par elles. Quand il fait nuit, la clarté est en nous. Nous sommes créés par elle. » Quant à Marie, elle conservait ces événements, en les rapprochant dans son cœur.
Et les bergers s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qu’on les avait entretenus.
» (Luc 2, 19-20) Marie, les bergers : nous leur ressemblons, quand nous croyons. Car la foi ne nous garantit pas contre le retour de la nuit, elle ne nous délivre pas du poids des ténèbres. Mais la foi est le foyer de clarté qui brille en nous, tel » un nouveau-né emmailloté et étendu dans une mangeoire » (Ibid v. 12) La présence de cette foi, de cet enfant foi, peut aujourd’hui encore, se réveiller en nous quand nous entendons les paroles de l’ange : » Soyez sans peur. En effet, voici que je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie, qui sera pour tout le peuple, parce que vous a été enfanté aujourd’hui un sauveur… » (Ibid v. 10-11)

24,

25 décembre 1998 Nativité de Notre-Seigneur – Année A

C’est un enfant, c’est un sauveur

Un enfant naît. C’est la joie. Du moins, ce devrait être la joie. Car il y a des naissances qui arrivent comme des malheurs, tant parfois la détresse est profonde ! Ne l’oublions jamais. Redisons-le pourtant : quand un enfant naît, c’est la joie. En effet, une vie qui commence ressemble à une promesse qui a été tenue. Elle apporte une grande espérance. Un enfant qui naît est comme un fruit: en lui s’épanouit une attente; un désir s’accomplit, un amour prend chair. On dit parfois, bien à tort, que l’on fait un enfant. En vérité, on l’accueille comme une merveille qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Il est plus, il est autre que tout ce que nous pouvons donner de nous-mêmes. Des parents n’en reviennent pas de tenir dans leur bras une vie, venue d’eux, mais plus jeune qu’eux. Un enfant qui naît est un don que l’on reçoit. En tout cas, c’est ainsi que Dieu en personne s’introduit dans le monde et en chacun de nous comme un enfant qui nous est donné, gratuitement. C’est tellement vrai que nous n’avons jamais une place prête pour lui dans l’hôtellerie, toujours encombrée, de notre cœur. Il est si effacé, pourtant, qu’il devrait facilement trouver un logis. Et, de fait, Il le trouve. Mais Sa petitesse ne cesse de nous déconcerter. Qu’avons-nous à faire, pour un Dieu, d’un espace de rien du tout dans notre propre vie ! Mais, heureusement, nous avons tous en nous une mangeoire ! C’est là, dans ce qui nous paraît peu digne de Lui, que Dieu prend naissance en nous et dans le monde. Car Il vient pour nous nourrir, pour entretenir notre vie de ce qu’Il est en Lui-même. Il vient pour nous sauver de nos habitudes, qui nous attristent, de nos faiblesses, qui nous désespèrent, de nos peurs, qui nous paralysent, de nos mépris, qui nous isolent et nous privent de la joie d’aimer et d’être aimé. » Soyez sans peur. En effet, voici que je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie, et elle sera pour tout le peuple, parce que vous a été enfanté aujourd’hui un sauveur, qui est Messie, Seigneur, dans la ville de David. Et voici pour vous le signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et étendu dans une mangeoire. » (Lc 2, 10-12) En accueillant la bonne nouvelle de cette joie, nous renaissons d’une nouvelle existence qui est sortie de nous et qui nous est confiée comme un présent d’un prix inestimable. A nous de protéger, en nous et hors de nous, cet enfant qui veut vivre à nous de Le laisser devenir un homme adulte. Il est meilleur que nous ? Tant mieux ! Ainsi, Il nous appelle à croître avec Lui, à prendre Sa taille, à nous ajuster à Sa mesure, qui excède tellement la nôtre ! Car il » vous a été enfanté » : Il est venu en nous, Il naît de nous, et Il est aussi vivant; pour nous. C’est nous qui naissons à une nouvelle et plus belle enfance que celle que nous avons pu connaître, lorsqu’Il est là, dans le cœur de notre foi. C’est nous qui nous préparons à grandir comme nous n’aurions pas osé le rêver. Quels parents n’ont pas été délivrés de leurs petitesses par la venue des enfants qu’ils avaient conçus, auxquels ils avaient donné de naître ? Ainsi en est-il de nous, qui portons le Fils de Dieu, quand nous croyons, quand nous espérons, quand nous aimons.

Dimanche 30 décembre 2001 – année A La Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph

Singulière et commune famille

Etrange famille, au premier regard ! Un fait est sûr. Marie est vraiment mère. Elle a mis au monde un enfant qu’elle avait conçu. Mais elle est mère d’une façon qui nous déconcerte, comme elle avait elle-même été déconcertée, puisqu’elle demeure vierge : » Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc 1, 34) Et le père ? C’est Dieu, sans doute, mais pas à la façon de Zeus, qui s’accouplait à des mortelles. Mais c’est aussi Joseph, puisque c’est lui qui donne à l’enfant son nom, qui le situe dans la suite humaine à laquelle il appartient lui-même. » Elle enfantera un fils que tu appelleras du nom de Jésus » (Mt 1, 21). » Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David qui s’appelle Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la lignée de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte » (Lc 2, 4-5) Singulière famille ? commune famille ? Par un côté, cette famille ressemble à toutes les autres. Pourquoi ? Parce que ce qui fait une famille, c’est l’alliance qui existe entre les parents. Or Marie était » fiancée à Joseph » (Mt 1, 18) Parce que Joseph, en donnant un nom à l’enfant, fait ce que font tous les pères (et quand un mari manque, la mère ou quelqu’un d’autre s’en charge !) : il fait de l’enfant un fils. Un enfant, comme tout vivant, est engendré et enfanté. Un fils est reconnu, et qu’importe par qui il est reconnu. L’important est qu’il le soit, que quelqu’un lui ait dit : » Tu es mon fils « . Nous sommes tous des enfants adoptés, puisque nous sommes des fils. Par un autre côté, cette famille est exceptionnelle. Pourquoi ? Parce que Joseph s’efface. Non pas pour désigner le géniteur véritable. N’oublions pas que Dieu le Père n’est pas Zeus ! » Ce qui a été engendré » en Marie » vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20) Mais pour diriger notre foi vers le Père, Celui dont Jésus ressuscité parlera en déclarant : » Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jn 20, 17) En définitive, nous ne comprendrions rien à la Sainte Famille si, déjà, toute famille, en humanité, n’était l’expression d’une alliance, autre chose donc qu’un accouplement. Mais, assurément, nous pressentons la grandeur unique, la sainteté de toutes les alliances humaines – et pas seulement de nos familles ! -, quand nous croyons que Dieu a reçu sa chair de Fils à l’intérieur d’une alliance comme les humains en forment les uns avec les autres.

Dimanche 6 janvier 2002 – année A Epiphanie du Seigneur

» Le mystère du Christ «

Aujourd’hui, au même moment, tous les humains, sur toute la surface de la terre, peuvent apprendre la même nouvelle, que celle-ci soit bonne ou mauvaise. Il suffit, pour cela, d’avoir de bonnes oreilles et de bons yeux, prolongés par de fines antennes. A la limite, la réception d’un message quelconque devient immédiatement universelle. Ce prodige peut nous donner à penser. En effet, à y bien réfléchir, il n’est qu’une figure, impressionnante mais bien réelle, d’une vérité que nous avons beaucoup de peine à mettre en œuvre et dans laquelle pourtant, par notre foi, nous sommes tous plongés. Cette vérité, l’Apôtre Paul la nomme » le mystère du Christ » (Eph 3, 4). En quoi consiste donc ce mystère du Christ ? Le mystère du Christ, c’est qu’il n’y a plus moi sans toi, c’est qu’il n’y a plus nous et les autres, c’est qu’il n’y a plus que nous avec et pour tous les autres, sans exception. Le mystère du Christ, c’est que nous sommes, tous ensemble, inséparablement unis. Nul d’entre nous, certes, ne ressemble à aucun autre. Mais, bien loin d’en conclure que nous sommes chacun des citadelles closes, que nous ne pouvons pas communiquer ou, mieux encore, communier les uns avec les autres, nous pouvons au contraire nous rencontrer en ce que chacun reconnaît comme le plus intime de lui-même. Or, le plus intime de chacun, le mystère, le mystère qu’est le Christ, c’est que nous sommes tous, qui que nous soyons, » associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. » (Eph 3, 6) Ainsi, notre singularité la plus irréductible, c’est notre communion avec tous, avec n’importe qui. Tel est, en tout cas, le mystère du Christ, auquel nous croyons. Sans doute, sommes-nous loin de réaliser, dans la pratique, cette universelle communion. Elle n’arrive pas comme un éclair, avec la promptitude fulgurante des nouvelles qui nous atteignent tous au même instant ! Le mystère du Christ, accueilli par notre foi, prend chair patiemment, secrètement, dans le monde tout au long de l’histoire. Nous lui faisons obstacle, tous tant que nous sommes, chaque fois que nous refusons de nous associer fidèlement à d’autres, de faire corps, de partager avec tous. Mais nous laissons ce mystère s’élargir aux dimensions de l’histoire et du monde chaque fois que notre propre cœur perd sa misérable étroitesse, abandonne, au risque d’en pâtir, tout esprit de parti, et se dilate immensément vers tous nos frères, sans exclusive aucune.

Dimanche
17 janvier 1999 2e dimanche du temps ordinaire – Année A

»Je ne le connaissais pas »

Nous sommes beaucoup à être fascinés par la venue prochaine du troisième millénaire. II nous semble en effet que va nous être servie une immense provision d’avenir. De quoi celui-ci sera-t-il fait ? Nul ne le sait. Mais nous ne doutons pas que des nouveautés nombreuses attendent notre humanité. Ainsi, nous pensons que, devant nous, il y a quelque chose en réserve, et pourtant encore inexistant, qui va arriver. Nous ne pouvons pas nous empêcher d’imaginer ce que sera ce futur, d’en avoir peur ou, au contraire, de le parer des plus belles couleurs. En tout cas, nous y pensons toujours sans oublier notre expérience passée. Ce que nous avons vécu nous sert à nous représenter ce qui nous attend. Ce qui nous a précédés devient un modèle, merveilleux ou redoutable. A partir des expériences de l’histoire, nous construisons, par contraste ou par conformité, ce qui viendra. Nous qui croyons en Jésus, le Messie, et qui attendons son retour dans la gloire, nous n’échappons pas à cette façon de penser. Aussi Jean-Baptiste pouvait-il déclarer : » Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. » (Jn 1, 30). Et il ajoute aussitôt : » Et moi, je ne le connaissais pas. » En effet, Jean avait beau attendre, espérer même la venue du Messie, Il était pour lui un inconnu. C’est là une loi de l’attente humaine. Nous y sommes tous soumis. II y a cependant un trait bien singulier dans le cas des croyants que nous sommes. Car, dans notre foi, comme pour Jean Baptiste déjà, se produit un événement sans pareil, qui n’a pas de précédent dans le passé, et qui nous détourne de toute projection vers un avenir imaginé. Cet événement nous maintient dans le présent. Nous croyons que le Fils de Dieu est ici, dans notre vie, et que, par l’Esprit Saint, nous sommes déjà plongés en Lui, comme on plonge un poisson dans l’eau, pour qu’il y vive. Ainsi en témoigne Jean : » J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : » L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l Esprit Saint. » Oui, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est Lui le Fils de Dieu. » (Ibid., 34) Nous ne sommes donc pas placés devant un spectacle, comme des observateurs. Nous sommes introduits dans ce qui arrive. Avec le Fils de Dieu, nous devenons fils, nous aussi. De cet événement nous n’avons pas de souvenir dans le passé, auquel nous pourrions nous reporter. Nous ne pouvons pas davantage en peindre, en avant de nous, quelque image que ce soit. Nous ne pouvons que rendre témoignage : nous sommes avec Jésus, le Fils. Ainsi, au creux de notre foi présente, à tout moment, dans le labeur comme dans le repos, dans la peine comme dans la joie, nous pouvons nous dire à nous-mêmes : » Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur. C’est mon Dieu qui est ma force. » (Is 49, 5) Ces paroles résonnent plus fort que tous les cris de lassitude ou d’amertume que nous pouvons pousser, quand il nous arrive de dire, comme le Serviteur du Seigneur : » Je me suis fatigué en vain. C’est pour rien que j ‘ai usé mes forces. » (Is 49, 4) Plutôt, à y bien réfléchir, dans la gloire qui nous est donnée, nos forces n’y sont pour rien, pas plus que notre fatigue. Car ce qui se réalise en nous, ce que le Seigneur fait de nous, n’est pas notre œuvre, mais la sienne. Et, sans bien tout comprendre de ce que nous disons, mais joyeusement, nous pouvons prononcer les paroles du Serviteur : » Le Seigneur dès le ventre m’a appelé. Dès les entrailles de ma mère Il a mis mon nom en mémoire. Il a fait ma bouche comme une épée tranchante. Dans l’ombre de sa main il m’a caché. Il m’a placé en flèche aiguisée. Dans son carquois II m’a dissimulé. » (Is 49, 1-2) Ainsi, Celui que nous ne connaissions pas, Celui que nous attendons et qui nous a précédés, nous en découvrons la présence, dans notre foi : c’est Lui qui nous donne, dès à présent, de vivre forts de sa force.

Dimanche 10 février 2002 – année A 5e dimanche du temps ordinaire

La misère du monde et notre foi

Et pourtant nous croyons ! Pourtant ? Oui, pourtant, malgré tout, en dépit de tout ce que nous voyons de misère dans le monde, alors que nous-mêmes peut-être nous ployons en ce moment sous la souffrance. Nous sommes les premiers à nous étonner de croire, de croire encore. Et la grande joie que nous en concevons ne tempère pas notre surprise ininterrompue. Nous sommes éblouis par la lumière qui est en nous, cette lumière – nous n’en revenons pas ! – qui » brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 15). La vie a bon goût pour nous, malgré toutes les raisons que nous avons de la trouver amère, parce que le sel de la foi l’assaisonne (cf. ibid. v. 13). Mais entre l’émerveillement de croire et la crainte de perdre la lumière et la saveur qui sont en nous, l’écart est imperceptible. Il peut facilement disparaître. A quelle condition, au milieu de la misère du monde, garderons-nous notre joie de croire, sans qu’elle devienne insolente pour ceux qui ne la partagent pas ? Ce n’est pas à force d’arguments ni de démonstrations que nous serons maintenus dans la foi. Nous n’y sommes pas entrés en cédant au » prestige de la parole ou de la sagesse » (I Corinthiens 2, 1) ! La voie qui s’ouvre à nous est tracée par le prophète Isaïe : » Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t’accompagnera. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira ‘Me voici’… » (Isaïe, 58, 7-9a). Cette page d’Isaïe n’a pas pris une ride ! Mais c’est nous qui avons vieilli ! Nous nous sommes lassés d’entendre proclamer, à temps et à contretemps, que c’est en combattant la misère du monde, au prix de notre confort, de notre temps, de notre vie, que nous pourrons grandir sereinement dans la foi. Oserons-nous donc marcher courageusement à la suite de Jésus, le Christ, qui s’est livré jusqu’à la croix pour témoigner ainsi, au milieude nous, dans la faiblesse, de » la puissance de Dieu » (I Corinthiens, 2, 5) ? Car, en donnant notre foi au Christ, nous réalisons tôt ou tard que le combat – non pas la victoire ! – pour la justice, pour la paix et pour la liberté de tous n’est pas seulement une conséquence morale de notre engagement croyant, une de ses suites pratiques, comme nous disons, quand nous n’ajoutons pas qu’il serait facultatif : ce combat est la chair vive de notre foi. Car nous n’avons rien à craindre pour notre foi – c’est peu dire ! – quand nous sommes en service pour que recule la misère du monde. Elle en devient plus vigoureuse, comme une lumière qui deviendrait plus intense d’avoir dissipé des ombres épaisses. Ecoutons encore Isaïe : » Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. » (Isaïe, 58, 9b-10)

Dimanche
14 février 1999 6e dimanche du temps ordinaire – Année A

L’Amour fait la loi

Nous ne pouvons pas mesurer le temps, les efforts ni l’obstination qui furent nécessaires à notre espèce pour s’élever sur la férocité, qui est naturelle aux animaux, pour devenir humaine. Nous savons bien, du reste, que ce passage à l’humanité est fragile. Dans notre vie privée comme dans notre histoire collective, la régression est toujours possible. Et elle se réalise ! Nous devenons alors non pas des bêtes, qui sont toujours innocentes, mais pires, violents, injustes, bref, inhumains. La merveille de l’humanité, c’est qu’elle ait pu trouver un chemin de paix. Il porte le nom, souvent mal entendu, de loi. En effet, la loi est, entre nous, comme une route que nous aurions frayée, non sans peine, au milieu d’une épaisse forêt. Nous n’aurions pas pu avancer sans elle. La loi commence par le respect d’autrui. Ainsi, elle nous délivre de toutes les fureurs qui nous habitent et nous détruisent les uns les autres. Nous croyons que cette loi, qui régit les hommes pour la paix, est un don. Avec elle, déjà, nous entrons en communion avec Celui qui nous la donne, avec Dieu Lui-même. » Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a permis à personne de pécher. » (Siracide 15, 20). C’est pourquoi nous pouvons chanter : » Toi, Tu promulgues des préceptes à observer entièrement. Puissent mes voies s’affermir à observer Tes commandements ! » (Psaume 118). Ainsi, par la loi, qui nous est donnée, nous avançons, nous devenons plus humains, toujours plus humains, en marchant à notre propre pas, comme nous le pouvons – et nous pénétrons aussi, dans le même temps, dans » les profondeurs de Dieu. » (I Cor 2, 10). Qu’y a-t-il donc à la source de cette loi qui nous fait vivre entre nous et avec Dieu, sinon quelque chose qu’il nous faut bien appeler l’amour ? L’amour fait la loi. Il la donne, il donne de pouvoir l’observer, et aussi de n’être pas détruits quand nous y avons manqué. Il en est l’âme. Aussi chantons-nous encore, comme une prière : » Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de Tes ordres : à les garder, j’aurai ma récompense. Montre-moi comment garder Ta loi, que je l’observe de tout cœur. » (Psaume 118). Nous savons bien d’expérience que c’est l’amour qui nous a fait découvrir déjà comment nous pouvons aller plus loin dans le respect des autres et nous unir ainsi à eux, toujours plus fortement, plus délicatement. C’est l’amour qui nous conduit à une exigence toujours plus fine, non pas envers les autres, mais envers nous-mêmes, pour que nos alliances ne soient pas des conventions formelles, mais de vraies rencontres. Il en est ainsi des rapports que nous avons entre nous. Il en est ainsi, pareillement, du rapport que nous entretenons avec Dieu. Les deux ordres ne se séparent pas. Si nous entendons bien cela, alors nous pouvons accueillir avec joie des paroles de Jésus qui nous paraissent peut-être d’abord surprenantes : » Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi et les Prophètes je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mt 5, 17). Et aussi ce qu’il répète avec insistance : » Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… Eh bien moi, je vous dis… » (cf. Mt 5, 17-37). Chaque fois, Jésus semble réclamer davantage, quelque chose qui coûte plus cher : non seulement de ne pas tuer, mais de ne pas se mettre en colère contre son frère ; non seulement de ne pas commettre l’adultère, mais de purifier jusqu’à la racine de son désir, dans le cœur ; non seulement de ne pas répudier son épouse, mais de ne pas l’exposer à être elle-même adultère ; non seulement de ne pas faire de serment, mais de se confier, en toute droiture, au oui ou au non que l’on prononce. En vérité, si Jésus nous demande d’aller plus loin dans l’observance de la loi, c’est pour que notre amour naisse de notre propre chair, pour que nous en répondions par un engagement de tout nous-mêmes, dans une alliance où notre personne fait preuve d’un don de soi sans retour, comme Dieu fait avec nous. Ne parlons donc pas de dépassement héroïque. Plus simplement, plus humainement, comme des croyants que nous sommes, écoutons cet appel de Jésus comme une invitation pressante – comme seul l’amour sait presser ! – à connaître la joie d’aimer, le bonheur : » Heureux les hommes intègres dans leurs voies, qui marchent suivant la loi du Seigneur. Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout cœur ! » (Psaume 118).

Dimanche 17 février 2002 – année A 1er dimanche de Carême

La parole et le pain – » Il est écrit : Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu «

Il arrive qu’on ne mange pas parce qu’on n’a pas faim. Il arrive aussi qu’on ne mange pas, et qu’on souffre de ne pas manger, et qu’on ait faim, et qu’on éprouve à quel point il est bon de manger, et aussi d’avoir faim. Comme on dit, c’est vital ! Mais alors on apprend aussi qu’il ne suffit pas que la faim soit apaisée. Bien sûr, il le faut. Mais quel malheur ce serait si nous n’avions plus jamais faim ! Est-ce que nous serions encore des vivants ? Il faut donc manger, c’est entendu, mais non pas pour n’avoir plus jamais faim, mais pour continuer à avoir faim, pour que notre faim soit assurée de durer. Comment s’y prendre ? En mangeant du pain, en mangeant à notre faim, mais de telle façon que ce pain, en nous nourrissant, aiguise notre désir d’être autrement nourri encore. Cette autre nourriture que le pain, nous la connaissons bien. Quand nous sommes réunis autour d’une table avec des amis, ce n’est pas seulement pour manger. C’est aussi – d’abord ? – pour nous entretenir, pour nous parler les uns aux autres. Les êtres humains ne vivent pas seulement de pain mais aussi de parole. Rien n’est pire qu’un repas au cours duquel on ne se parle pas. On peut se parler en devisant agréablement. On peut aussi se parler en s’engageant les uns envers les autres, en se liant. Les paroles prononcées, écoutées, retournées deviennent alors l’expression d’une alliance. Heureusement, il est fréquent qu’entre nous la confiance que nous avons les uns envers les autres circule ainsi par la parole. En tous cas, cette confiance est aussi ce qui lie Dieu à nous et ce qui nous lie à Dieu. Alors nous vivons de » toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4) Mais nous pourrions dire aussi que nous vivons de la foi, que la foi nous fait vivre, comme le pain, autrement que le pain. La foi est du pain, de ce pain qui apaise notre faim et qui l’augmente.

Dimanche 7 mars 1999 3e dimanche de Carême – Année A

» Donne-moi à boire «

Tous nous vivons de foi. Le commerçant, qui fait crédit à son. client, croit quecelui-ci est solvable. Pareillement, le client croit qu’il en aura pour son argent. Quand des amis, quand des époux s’engagent l’un envers l’autre, ils croient que chacun tiendra parole. Ainsi, la foi est partout. Tous nous vivons à la foi, comme on dit d’une lampe qu’elle brûle à l’huile. La foi est le lien de la vie entre nous. Sans doute il arrive qu’elle soit trompée. Mais elle peut aussi ne pas l’être. Il y a même des rencontres où l’un dit à l’autre, avec des mots ou dans le secret de son cœur : » Quoi qu’il advienne, même si tu déçois la foi que j’ai mise en toi, cette foi sera plus forte que ma déception. Car, en me laissant te donner ma foi, tu m’as fait toi-même le plus grand des dons. Et si j’acceptais d’être déçu, c’est que je n’aurais pas vraiment cru en toi de tout mon amour. » Ces rencontres sont moins rares qu’il n’y paraît. Quelles que soient les souffrances qui s’y attachent, elles font la noblesse de notre humanité. Nous n’y renoncerions pas facilement. Quand nous mettons ainsi tout le poids de notre foi en quelqu’un, c’est comme si nous lui disions » Donne-moi à boire ! » (Jn 4, 7.) Ainsi, quand il s’adresse à une femme de Samarie, Jésus se tient et nous entraîne avec lui sur les plus hautes cimes, non pas peut-être les plus communes, mais, assurément, les plus vraies. Aussi, en réponse à la surprise de cette femme, il peut lui dire : » Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’en aurais prié, et il t’aurait donné de l’eau vive. » (Ibid. 7). Car si elle lui avait demandé à boire, à lui, déjà, par cette seule demande qu’elle lui adressait, il aurait étanché sa soif. L’eau vive, l’eau qui fait vivre, c’est elle que nous recevons quand, en allant jusqu’à nous perdre nous-mêmes, nous donnons notre foi. Car la foi est un don bien singulier : quand nous croyons de tout notre être, alors, en vérité nous recevons plutôt que nous ne donnons ! En donnant notre foi à Jésus, c’est nous qui recevons de lui, dans notre foi elle-même, » une source d’eau jaillissant en vie éternelle. » (Ibid. 14) Pourquoi ? Parce qu’en nous remettant à Jésus, nous buvons l’eau et nous mangeons le pain qui soutiennent sa propre vie. » Mon aliment, c’est défaire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Ibid. 34). Ainsi, en nous appelant à croire, Jésus comble les attentes les plus élevées que nous pouvons avoir. Il les comble, et il les dépasse. En effet, non seulement il nous accompagne sur le chemin de la foi la plus désintéressée, mais encore il nous conduit jusqu’à Celui qui suscite notre soif et la sienne, qui nous fait vivre de foi et qui la nourrit. » Faire la volonté… accomplir l ‘œuvre « . Nous autres, nous entendons ici d’abord la soumission, la dépendance. Jésus, lui, parle d’aliment, de ce qui entretient la vie. Car la volonté de Celui qui l’a envoyé, son œuvre, sont d’un Père, qui donne à ses fils de quoi vivre. » Crois-moi, femme… » (Ibid. 21). Le mot n’est pas une simple incise. Il exprime une insistance, celle de l’amour que Jésus nous porte. Il nous presse de moissonner, en devenant croyants, ce qu’il a semé dans le monde, en nous et entre nous, la joie de croire. » Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour, la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit avec le moissonneur. » (Ibid. 36) » Dès maintenant » : c’est-à-dire à tout moment, en non pas seulement hier ou demain, non pas ici plutôt que là, mais en tout lieu et en toute occasion : en chacun de nous, en tout homme. » Elle vient l’heure – et c’est maintenant; ou, les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père : Dieu est esprit, et ceux qui adorent doivent adorer en esprit et vérité. » (Ibid. 23-24)

Dimanche 13 mars 2005 5e dimanche de Carême – Année A

CETTE MALADIE NE CONDUIT PAS À LA MORT (Jean XI, 1-45)

Ainsi parle Jésus. Pourtant, Lazare meurt. Alors que comprendre?

Personne n’échappe à la mort, ni Lazare, ni Jésus, ni le croyant. Mais le croyant a pris une avance sur la mort. D’une certaine façon, par la foi, il l’a intégrée à sa vie, il l’a anticipée et il en est sorti. C’est assez dire qu’il n’a pas évité la mort. Mais la foi est le tombeau – un bien singulier tombeau! – dans lequel il est entré et dont il s’est relevé vivant. Aussi Jésus peut-il dire : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra, et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais.

Quand nous croyons il est donc vrai que nous mourons et il est vrai aussi que nous ne mourons pas, puisque nous n’entrons dans la mort que pour aller au-delà d’elle.

Or, puisque c’est maintenant que nous croyons, c’est maintenant aussi que nous mourons et que nous laissons la mort derrière nous. L’événement a eu lieu et il ne cesse de se produire, de nous saisir. Lazare, ici, dehors! Pour le croyant, l’ici est déjà, dès à présent, dehors.

Mais il nous reste à réaliser, par notre manière de vivre, ce qui nous est arrivé et qui se continue. Comment le croyant, le mort sorti vivant de son tombeau que nous sommes, pourrait-il garder les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d’un suaire? Aussi Jésus déclare-t-il aux assistants : Déliez-le, et laissez-le aller.

Ainsi, en entrant dans le tombeau, Lazare, Jésus, le croyant souffrent-ils d’une maladie qui ne conduit pas à la mort. Ils accèdent, dès leur existence en ce monde, à une vie qui ne passe pas. La maladie, si ce mot convient encore, est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. Mais qui donc est ce Fils? Jésus, bien sûr, et aussi Lazare, et aussi le croyant.

Dimanche 28 mars 1999 Dimanche des Rameaux et de la Passion – Année A

« Il les aima jusqu’au bout «

Aimer jusqu’au bout,

Aimer à l’extrême,

C’est aller au plus loin en aimant,

Par amour et pour aimer,

C’est franchir tout l’espace de la vie

Et s’affronter à la limite même de la vie,

Aller jusqu’à la franchir.

Car personne n’a d’amour plus grand

Que d’exposer sa vie

Pour ceux qu’il aime,

Quels qu’ils soient.

Où il apparaît

Qu’aimer jusqu’au bout, à l’extrême,

C’est donner sa vie

Pour que d’autres reçoivent de vivre

D’une vie donnée.

C’est ainsi que fait Jésus,

Et aussi déjà le Père,

En qui nous croyons en aimant,

Le Père dont Jésus est venu.

C’est ainsi que nous sommes appelés par lui à faire, nous aussi.

C’est ainsi que nous allons vers le Père.

Comme lui,

En nous aimant les uns les autres,

Jusqu’au bout,

A l’extrême.

 

Dimanche 24 mars 2002 – année A Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

Il fait toujours un temps de Pâques

Oui, il fait un temps de Pâques, comme on dit qu’il fait soleil, par exemple. Or, quand il fait soleil, nous jouissons du temps qu’il fait, nous le savourons, de même que nous sommes volontiers assombris quand il pleut, quand il fait mauvais temps. Le temps n’est pas seulement une suite, plus ou moins longue, de jours et de semaines. Le temps est l’air qui nous pénètre, et qui nous fait vivre, ou mourir. Depuis que le Christ est ressuscité, nous aspirons joyeusement l’air de la vie elle-même, parce que le Christ ne meurt plus mais fait vivre, comme nous vivons d’accueillir en nous un air salubre de printemps. Voilà ce qui nous arrive quand nous croyons. Alors, nous ne sommes pas devant un spectacle merveilleux que nous admirerions à distance. Par notre foi elle-même, nous sommes dans le temps nouveau qu’il fait, comme on est plongé dans une atmosphère qui revigore. Ainsi, le Christ, par la foi, nous rend la vigueur que nous avions perdue, que nous ne cessons de perdre. Car nous ne pouvons pas oublier que nous sommes sans force. Nous y pensons même peut-être trop, au point, paradoxalement, de nous complaire souvent dans notre faiblesse. Mais, par la foi, en recevant le Christ en nous, nous perdons le souffle avec Lui et nous renaissons avec Lui. Toute la durée de notre vie est devenue un passage, une Pâque, au cours de laquelle nous allons de l’angoisse, où nous expirons, faute d’air, à la joie, où nous respirons. Il fait un temps de Pâques pendant toute notre vie, et jusqu’à la fin du monde. Pâques est la pulsation même de tous les instants de notre existence et de tous les événements de l’histoire humaine. Pour quiconque croit, il n’y a pas de temps mort mais seulement un temps au cours duquel, indéfiniment, en entrant sans cesse dans la mort, nous renaissons à la vie.

Dimanche 7 avril 2002 – année A 2e Dimanche de Pâques

Aimons-nous la paix ?

Que seraient nos relations en famille, avec nos amis, dans les diverses communautés auxquelles nous appartenons, si nos liens, si chaleureux soient-ils, avaient la violence de la passion, si nos sentiments étaient comme des flèches brûlantes lancées les uns contre les autres ? Nous aurions beau prétendre que nous nous aimons fortement. En vérité, notre amour serait meurtrier des autres et de nous-même. Tout amour a besoin d’être sauvé. Or, tout amour est sauvé quand nous aimons l’amour en même temps que nous aimons nos proches, les étrangers, et aussi nos ennemis. Tous ceux d’entre nous qui ont l’habitude de fréquenter et de méditer les Ecritures reconnaîtront dans cet amour de l’amour un autre nom de l’Esprit Saint que le Christ nous a donné en nous confiant Sa paix. L’Esprit Saint, l’amour de l’amour, peut seul faire de nous, en ce temps où se déchaîne la haine, autre chose que des partisans, autre chose même que des spectateurs éclairés ou attristés par le cours des événements. Il peut faire de nous des amants de la paix. Or, si nous sommes des amants de la paix, alors nous entendrons l’appel à donner joyeusement à notre amour la chair même de notre vie, à devenir des témoins de la paix, dût-il nous en coûter. L’Esprit Saint saura nous suggérer l’art et la manière ! Ceci, nous le savons tous, n’est que de l’Evangile élémentaire.

Dimanche 18 avril 1999 3e dimanche de Pâques – Année A

»O cœurs insensés et lents à croire… »

Il n’y a pas un certain Dieu d’abord, austère et terrible, et puis un autre Dieu ensuite, qui serait toute bonté. Pourquoi ? Si Dieu est toujours le même Dieu, c’est parce qu’il n’y a qu’une seule et même foi. Dès que nous croyons, si nous croyons vraiment en Dieu, nous croyons en ce Dieu dont Jésus entretenait deux disciples, sur la route d’Emmaüs : » Et, en partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua, dans toutel’Écriture, ce qui le concernait. » (Luc, 24, 27) Pour toute l’humanité et pour chacun de nous, la foi est une histoire d’amour. De l’amour il connaît la violence, le respect, et aussi la tendresse. Mais assurément, il y a des gens qui croient, et d’autres, qui ne croient pas. En nous aussi, il y a quelqu’un qui croit et quelqu’un qui ne croit pas. » O cœurs insensés et lents à croire à tout ce dont les prophètes ont parlé! » (Ibid. 26) Où est donc la frontière entre les uns et les autres et à l’intérieur de chacun ? C’est la frontière qui sépare le délire de la réalité. Oui, nous délirons – » cœurs insensés » – lorsque nous rêvons d’un Dieu qui ne connaîtrait pas la dureté de notre condition humaine, qui ne s’exposerait pas à nos coups et à être condamné à mort, lorsque nous refusons d’admettre qu’en la personne de Son Fils, Il vient à nous encore, après avoir été jugé par nous et tué par nous. » N’est-ce point là ce que devait souffrir le Messie avant d’entrer dans sa gloire ? » (Ibid. 26) Dieu, dans notre délire, nous imaginons que nous Le connaissons. En réalité, nous sommes aveuglés (cf. Luc, 24, 16), et nous avançons sur notre chemin, occupés à nous entretenir de nos illusions, le visage triste (cf. Luc, 24, 17). Nous sommes enfermés dans nos espérances de puissance. Nous oublions que Dieu est le maître de la plus extrême faiblesse, qu’Il vient la faire sienne, qu’Il y pénètre, avant d’en sortir victorieux. » Réellement, Il s’est relevé, le Seigneur. » (Ibid. 34). Le Dieu de notre foi, Lui, s’efface devant notre effort pour le, saisir par les yeux. Il nourrit notre cœur du pain de la foi, qu’Il nous partage. » Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous ouvrait les Écritures ? » (Ibid, 32) » Ils l’avaient reconnu, quand il avait rompu le pain. » (Ibid. 35) Le pain rompu, les Ecritures ouvertes, tels sont, tout à la fois, la source et le fruit de la foi, tels sont les vivres qui nous sont offerts sur le chemin où nous avançons avec Jésus, notre Frère et notre Dieu, en allant, comme Lui et avec Lui, sans cesse, toujours plus loin (cf. 24, 28). Nous n’arrêtons ce Dieu, pour qu’Il reste avec nous, que pour, qu’il réside dans notre pauvre cœur, si prompt à être insensé, ce cœur qu’Il change en un cœur qui croit. Alors les mots que nous disons, dans notre prière, sont aussi les mots de Jésus, le Messie, ceux qu’Il adresse à Son Père et notre Père, Son Dieu et notre Dieu : » Mon cœur exulte, mon âme est en fête, Ma chair elle-même, repose en confiance : Tu ne peux m’abandonner à la mort Ni laisser Ton ami voir la corruption.» (Psaume 15,9-10)

Dimanche 14 avril 2002 – année A, 3e dimanche de Pâques

L’entretien sur le chemin

De quoi parlons-nous entre nous, tandis que nous avançons ensemble sur le chemin de la vie ? De nos déceptions. Nous attendions le bonheur. C’est l’horreur qui est venue à notre rencontre. Nous n’avons été épargnés, ni dans l’intimité de la maison, ni sur la place publique. Pourtant, puisque nous parlons, puisque nous sommes en route, quelqu’un d’autre est là, entre nous, en tiers, en lien. Il ne se confond pas avec les mots de nos phrases. Il va toujours plus loin que l’endroit où nous arrêterions volontiers notre marche, au-delà de notre peur et de notre désarroi. Mais nous le méconnaissons. Nous convaincra-t-il que nous avons mieux à faire qu’à nous fixer sur les démentis cruellement apportés à nos illusions par la violence du temps? Nous persuadera-t-il de recueillir, dans l’entretien qui nous unit, la trace vive et brûlante d’une parole qui proclame la douloureuse et triomphale annonce de sa victoire et de la nôtre? Changerons-nous cette annonce en un viatique, comme on reçoit du pain pour le voyage, un pain rompu, brisé, mais qui nourrit les affamés? Le compagnon avec lequel nous allons, tous ensemble, ne se dérobe qu’à la lenteur du pas de notre foi, qu’à la folie de notre pensée, quand nous préférons le désespoir à la traversée de la nuit. Mais si vraiment nous parlons entre nous, comme des vivants qui s’écoutent les uns les autres, au lieu de se complaire dans leurs songes de toute-puissance, alors, il est là, et le chemin que nous écrivons sur la terre s’ouvre ici même, dans le secret, en gloire. Mais qui est-il donc, celui-là? Il est celui dont nous faisions l’objet de notre conversation, celui dont l’anéantissement dans la mort nous importait moins, en définitive, que l’humiliation que son échec infligeait à nos rêves. Nos yeux étaient empêchés de le voir, parce que notre regard, après s’être posé sur lui, peut-être, comme un passant, ne l’avait pas suivi jusqu’où il allait et où il nous entraînait, pour y entrer avec nous. Quand nous le retrouvons, heureusement, il nous échappe encore, nous ne pouvons pas le détenir. Mais cette fois, nous ne le perdons plus. Il est parti en se donnant. Où est-il donc? Dans notre cœur, en nous, maintenant, et entre nous, pour toujours.

(paru dans « Le supplément de La Vie« , 11 avril 2002)

Dimanche 28 avril 2002 – année A 5e Dimanche de Pâques

» Ne soyez pas bouleversés «

Nous avons peur. Notre peur n’est pas sans motifs. Elle vient de l’insécurité qui nous menace de diverses façons. Que fera la maladie qui s’acharne sur moi ou sur tel de mes proches, depuis si longtemps ? Puis-je sortir de chez moi, aller et venir, sans redouter une agression ? Ceux qui conduisent les affaires de notre pays et celles du monde sont-ils dignes de confiance, sont-ils vraiment des artisans de paix ? Oui, nous avons bien des raisons d’avoir peur. Mais nous n’avons pas raison de céder à la peur. Car, au bout de la peur, comme un fruit vénéneux, il y a le désespoir. Puisque la maladie est fatale, pourquoi lutter encore contre elle, pourquoi s’obstiner à trouver de la joie dans le temps qui passe ? Si nous vivons délibérément dans la méfiance envers les autres, à cause de leur origine, de leur appartenance religieuse ou, plus sommairement, à cause de la couleur de leur peau, est-ce que nous aimons encore l’humanité, celle des hommes et des femmes qui nous ressemblent ? Sommes-nous encore capables de nous aimer nous-mêmes ? Si nous remettons le gouvernement du pays à des marchands d’illusion, qui développent les germes de haine toujours présents dans le cœur de chacun de nous, est-ce que nous croyons encore que les peuples sont appelés à vivre dans une alliance de justice et de paix ? Oui, si nous cédons à la peur, c’est le simple bonheur d’être un humain en ce monde qui devient dérisoire. Et que dire alors si l’on pense que ce bonheur d’être humain a été confirmé et même exalté par Jésus, le Christ, à qui nous avons donné notre foi ? Car Jésus, le Fils de Dieu, est venu consacrer, de la sainteté même de Son Père, l’existence des hommes sur cette terre. En nous appelant à croire en Lui, Jésus s’adresse donc à nous comme à des gens qui pourraient rester paralysés par leurs peurs. C’est pourquoi Il nous déclare : » Ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » (Jean 14, 1) Jésus sait que la peur, en nous, est toujours première, qu’elle nous assiège. Il sait que nous avons peur de notre peur et que, de ce fait, nous sommes toujours tentés de nous précipiter dans le désespoir. Jésus sait que nous ne sommes pas libres ! Mais si nous croyons en Lui comme nous croyons en Dieu, si nous croyons en un Dieu qui est aussi notre frère, alors Il nous libère, et d’abord de la peur et du désespoir. Il ouvre devant nous une route, Il est le Chemin – car il y a un chemin pour tout homme vivant en ce monde ! – , un chemin véritable, sur lequel nous pouvons avancer, réconciliés avec l’humble et savoureux bonheur de vivre. » Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean, 14,6).

Dimanche 9 mai 1999 6e dimanche de Pâques – Année A

» Moi en mon Père, et vous en Moi, et Moi en vous. «

Personne ne peut vivre sans aimer. Mais, lorsque nous aimons, nous ne pouvons plus vivre n’importe comment. Notre amour nous appelle à nous conduire d’une certaine façon. Il est en nous la source d’une nouvelle manière d’être, de penser et d’agir. Ainsi, nous reconnaissons qu’il y a un grand mystère dans tout amour. Quand nous aimons, nous ne pouvons plus nous regarder comme si nous étions seuls au monde, uniquement préoccupés de poursuivre nos intérêts, de satisfaire égoïstement nos désirs. Nous sentons, en effet, que nous mépriserions alors la joie qui nous est venue, la joie d’aimer. S’il en est ainsi entre nous pour tout amour, celui que nous portons à Jésus ne fait pas exception. » Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, les miens. » (Jean, 14, 14) Mais nous craignons toujours de ne pas être capables de suivre l’ordre de marche qui s’impose à nous maintenant que nous sommes liés d’amour à Jésus. Car nous sommes conscients de notre fragilité. L’amour lui-même nous y rend plus sensibles encore. Parfois, nous serions tout près de désespérer de pouvoir changer notre vie. Or, les disciples de Jésus que nous sommes, quelles que soient leurs faiblesses, ne peuvent pas perdre cœur. Car Jésus, si nous l’aimons, nous a déjà donné du souffle, son Esprit, pour avancer dans la fidélité à aimer. Il a déjà transformé notre hésitation en une prière qu’il adresse en nous à son Père, à Celui qu’il aime et qui nous aime comme il nous aime : » Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un Autre, qu’on appelle au secours, afin qu’il soit avec vous à jamais, le Souffle vrai, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit ni ne le connaît. Mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure chez vous et qu’il sera en vous. » (Ibid., 16-17) Nous ne sommes jamais privés de ce qui fait respirer Jésus et son Père. Quand nous aimons Jésus, si nous l’aimons vraiment, nous pouvons oser dire que, par le Souffle qu’il nous donne, nous voyons, nous connaissons qu’il vit, que nous vivons, qu’il est lui-même en nous, et nous en lui. » Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens vers vous. Encore un peu, et le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez, parce que moi, je vis, et que vous aussi, vous vivrez. : En ce jour-là vous connaîtrez, vous, que moi, je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous. » (Ibid. vv. 18-20) Ainsi, la situation est retournée ! Nous redoutions de ne pouvoir garder les commandements qui découlent de notre lien d’amour avec jésus. Et nous n’avions pas tort d’être incertains de notre force ! Or voilà que notre engagement à marcher à sa suite, si timide soit-il, et même nos écarts ou nos chutes nous apportent une révélation : non seulement nous y faisons l’expérience que nous l’aimons, mais encore nous y apprenons qu’il nous aime. En définitive, la peine que nous dépensons à ne pas vivre n’importe comment est devenue une lumière. En suivant le chemin que nous ouvre Jésus, à la mesure de nos pauvres moyens, au rythme de notre pas, nous avançons » en terre ferme » (cf. Ps. 65) » Il changea la mer en terre ferme: Ils passèrent le fleuve à pied sec. De là cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance. Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu : Je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme. Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, Ni détourné de moi son amour. «

Dimanche 5 mai 2002 – année A 6e Dimanche de Pâques

L’Amour et la Loi

Si nous sommes liés d’amour avec quelqu’un ou avec une communauté, nous ne pouvons pas vivre cet amour n’importe comment. Il nous oblige. Il n’y a donc pas à choisir entre l’amour et la loi. L’amour fait la loi, et la loi ferait mentir sa source, si elle ne commençait par le respect d’autrui. Qu’il nous suffise de réfléchir aux alliances multiples dont nos vies sont tissées. Nous vivons en famille. Nous sommes citoyens d’un pays et aussi du monde entier. Nous avons des amis. Nous sommes engagés en des associations de toute sorte. Or, dans toutes ces rencontres, nous cherchons à aimer en rendant effective notre solidarité avec tous, hors de tout mépris. Notre foi au Christ grandit à l’intérieur de cette situation, où l’amour prend corps. Cette situation est propre à tous les hommes, quels qu’ils soient. Mais nous autres croyants, nous la célébrons dans la joie, au-delà de tout ce que nous pourrions imaginer, parce que c’est Dieu Lui-même que nous y rencontrons. Car Jésus nous déclare : » Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, les miens… Celui qui a mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime. » (Jean 14, 15.21) Or, les commandements du Christ sont des commandements d’amour. Ainsi, c’est Lui, le Christ, que nous aimons quand nous aimons les autres comme des frères. Notre amour, quand il est dense de tous nos liens d’humanité, est donc devenu l’amour même que nous portons au Christ. Et c’est par cet amour, unique et universel, que nous sommes en union avec Dieu, le Père, Son Père et le nôtre ! Certes, nous pouvons trembler, craindre d’être infidèles à une si haute condition. Nous pourrions même désespérer de pouvoir répondre à un tel appel. Et nous aurions raison de perdre cœur si, dans notre foi, nous n’allions pas plus loin encore, plus profond. Alors nous apprenons de Jésus lui-même que nous avons du souffle pour courir en observant les commandements de l’amour. Ce souffle, qui nous fait vivre, c’est » l’Esprit de vérité » (Jean 14, 17). C’est Lui qui fait naître le Christ en nous et entre nous. » Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viens vers vous. Encore un peu, et le monde ne me voit plus, mais vous, vous me voyez, parce que moi je vis et vous, vous aussi vous vivrez. » (Jean 14, 18-19) Si faibles, si timides que nous soyons, nous ne pouvons donc pas céder à notre faiblesse et à notre timidité. Le Christ, par le souffle que le Père nous donne à Sa prière, renouvelle en nous sans cesse la force d’aimer.

Dimanche 16 mai 1999 7e dimanche de Pâques – Année A

» Devenons ce que nous recevons et recevons ce que nous sommes, le Corps du Christ «

A plusieurs reprises, depuis la Nuit de Pâques, notre communauté s’est transformée. Le Baptême a fait de nouveaux chrétiens. Par la Confirmation quelques-uns ont accueilli le Souffle de Dieu, pour qu’il devienne la respiration de leur vie. Les mêmes, et d’autres encore, sont venus à la Table commune, pour offrir avec nous tous le don que Dieu nous fait en son Fils Jésus, le Christ, et pour en rendre grâce, en prenant part à l’Eucharistie. Tous ces engagements nouveaux sur le chemin de la foi nous atteignent tous. Car tous, nous en avons été renouvelés dans notre propre engagement. Certes, nous étions déjà chrétiens, et beaucoup d’entre nous depuis longtemps. Mais nous pouvions nous y être habitués, nous pouvions nous imaginer que notre Alliance entre nous et avec Dieu était une situation acquise, un peu comme un capital qu’on possède et qu’il faut conserver, qu’il faudrait sans doute faire fructifier, mais sans que nous en soyons changés nous-mêmes. En vérité, nul ne peut oublier qu’il n’est pas propriétaire de ce que Dieu a fait de lui. Nul ne naît chrétien, nous pouvons seulement le devenir. En effet, la foi dans laquelle nous entrons sans cesse et où nous avançons, est une offre qui nous est faite à tout moment. Nous la recevons, toujours nouvelle, comme le jour qui se lève chaque matin, toujours autre, ou comme l’eau qui nous désaltère, quand nous avons soif. D’avoir bu déjà de l’eau ne dispense pas d’en boire aujourd’hui encore. Car, malgré les apparences, les événement de notre vie ne se ressemblent pas. Ils nous creusent, toujours d’une autre façon, et ils nous assoiffent, comme la première fois. Tout ce qui nous arrive nous vient comme le matin, toujours autrement clair, comme l’eau, toujours autrement fraîche. L’eau et le matin, c’est Dieu qui les donne, inlassablement, généreusement. Nous devenons ce que nous ne cessons pas de recevoir de Lui. Mais que recevons-nous dans tous ces événements qui nous changent, comme si nous n’étions jamais que des enfants nouveaux-nés ? Comme des nouveaux-nés, nous recevons de Dieu, interminablement, ce que nous sommes, un corps qui vit et qui va croître en se rénovant sans cesse, pour ne plus périr. Mais, à la différence de la vie qui nous a été transmise par nos parents, celle que Dieu nous donne ignore le vieillissement et la mort. Elle jaillit en nous, intarissable, pour toujours. C’est pourquoi elle est toujours neuve, surprenante, souvent même déconcertante, au travers de nos peines et de nos joies, de notre labeur et de notre repos. Cette vie en nous est promise à tous les recommencements, à toutes les résurrections, parce qu’elle est la vie du Corps du Christ, que nous sommes chacun et que nous formons tous ensemble. Nous la recevons comme ce que nous sommes déjà, le Corps du Fils de Dieu, qui est devenu notre corps, dans notre propre chair et la chair de Son Eglise, où sans cesse Il meurt et ressuscite. Ainsi, nous pouvons entendre l’appel que nous adresse l’apôtre Pierre : » Selon que vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, pour que, lors de la révélation de sa gloire, vous vous réjouissiez et exultiez. » (Première Epître de Pierre, 4, 13.) Surtout, nous pouvons laisser résonner en nous la prière de Jésus à son Père. Nous saisissons que toute heure de notre vie en ce monde nous introduit déjà dans l’éternité : » Père, elle est venue, l’heure ! Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie, selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’à tout ce que tu lui as donné, il donne à ceux-là la vie éternelle. » (Jean, 17, 1-2)

Dimanche 12 mai 2002 – année A 7e Dimanche de Pâques

Ce(ux) qui reste(nt)

Nous avons tous trop de souvenirs, et aussi nous n’en avons pas assez. Du moins, voudrions-nous faire un tri parmi eux, garder les bons, nous débarrasser des mauvais. Heureusement – car ce n’est pas un malheur ! – nous avons à faire avec tout notre passé, quel qu’il soit. Sinon, nous ne serions que des fantômes ! Mais encore faut-il que le passé ne nous écrase pas, qu’il devienne un tremplin pour un avenir. C’est ainsi que nous vivons tous, tant que nous sommes. Tous, nous sommes appelés à rebondir. Ce qui nous reste d’expériences, de succès, de blessures, pas seulement dans la pensée, mais aussi dans le corps, voilà avec quoi nous devons recevoir et préparer ce qui nous reste de temps à vivre. Chacun de nous est invité à convertir en espoir tout ce qu’il est devenu. Et nous savons que ce n’est pas facile, et même qu’il y a des gens qui n’y arrivent pas. Il n’en va pas autrement de notre foi au Christ et, par elle, de notre foi en Dieu, Son Père et notre Père. Nous croyons en un Christ parti et en un Dieu qui n’est pas là, à notre disposition. Nous avons à nourrir notre espérance de cette foi. » Selon que vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, pour que, lors de la révélation de Sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse » (première Epître de Pierre 4, 13) Mais ce n’est pas tout. Le Christ ne nous laisse pas seulement avec le poids de notre vie sur le dos pour avancer vers l’avenir. Le Christ nous confie les uns aux autres. Il communie à notre communion mutuelle. Ce qui reste de Lui, nous le sommes nous-mêmes, nous qui restons ensemble. En partant, Il nous a transmis à tous Sa présence. C’est elle qui demeure. Elle est tout ce qui nous reste de Lui, à nous qui restons après Son départ. Il vit en nous, entre nous, et tout autrement que comme un souvenir, puisqu’Il vit Lui-même tout ce qui nous arrive, notre passé, notre présent et notre avenir. C’est ainsi, en tout cas, qu’Il nous éclaire sur Sa pensée la plus intime, quand Il nous livre quelque chose de Sa conversation avec Son Père. » J’ai fait connaître Ton nom aux hommes que Tu as pris dans le monde pour Me les donner. Ils étaient à Toi, Tu Me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement Ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que Tu M’as donné vient de Toi, car Je leur ai donné les paroles que Tu M’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que Je suis venu d’auprès de Toi, et ils ont cru que c’était Toi qui M’avais envoyé. Je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que Je prie, mais pour ceux que Tu M’as donnés : ils sont à Toi, et tout ce qui est à Moi est à Toi, comme tout ce qui est à Toi est à Moi, et Je trouve Ma gloire en eux. Désormais, Je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et Moi, je viens vers Toi. » (Jean 17, 6-11)

Dimanche 2 juin 2002 – année A Le Corps et le Sang du Christ

» Donner sa chair à manger «

Il ne nous suffit pas d’être vivants. Encore faut-il que notre vie soit entretenue. Il nous faut être nourris. Car les vivants que nous sommes ne restent en vie que s’ils sont nourris. Si nous manquons d’aliments, nous mourons. Telle est la condition de tous les êtres humains dans le monde. Par quoi sommes-nous maintenus en vie ? Par le pain, par le vin, par tous les fruits de la terre et du travail de l’homme. Car la terre ne produit pas d’elle-même de quoi entretenir notre vie. Le travail de l’homme doit s’y ajouter, élaborer ce que la terre a produit. Ainsi donc il y a toujours de la peine humaine, de la sueur et du sang de fils d’homme, dans tout ce qui nous permet de vivre, de ne pas mourir. Nous sommes tous entretenus en vie par l’immense travail de l’humanité : nous en bénéficions et nous y contribuons. Or tout être humain dépense sa propre vie dans son travail. Il la dépense jusqu’à la perdre. Car il meurt. Et sa mort n’empêche pas ceux qu’il a nourris de mourir, eux aussi. Ainsi tout le monde donne sa chair à manger (Jean 6, 52). Mais personne au monde, en mourant, ne donne aux autres une vie qui ne passe pas. Personne, sauf Lui, Celui que nous appelons, par excellence, le Fils de l’Homme ! (Jean 6, 53). Telle est notre foi. Non seulement nous croyons cela, mais encore notre foi est elle-même déjà, pour nous, la nourriture et le breuvage qui nous font vivre. C’est donc notre foi que nous célébrons tous ensemble quand nous sommes réunis, pleins de reconnaissance, autour de la Table dressée dans l’Eglise par le Fils de l’Homme, Celui que le Père a envoyé, pour que nous ne fassions qu’un avec Lui. Nous célébrons alors notre foi et le mystère d’éternité de notre vie mortelle. (Jean 6, 54). Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Comme le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que moi je vis par le Père, aussi celui qui me mange, lui aussi, vivra par moi. Tel est le pain, celui qui est descendu du ciel, non pas comme mangèrent vos pères, et ils moururent. Celui qui mange ce pain vivra pour toujours. (Jean 6, 56-57)

Dimanche 13 juin 1999 11e dimanche du temps ordinaire – Année A

Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement «

Il y a des choses, qui s’apprennent dans les livres, des connaissances quenous possédons pour avoir été à l’école, ou parce que nous lisons le journal, écoutons la radio ou regardons la télévision. Il y en a d’autres, que nous apprenons aussi, mais tout autrement. Nous disons alors qu’il faut y être passé pour les savoir, pour les comprendre, pour les apprécier. Ainsi, les livres, les enseignants de tous ordres, peuvent bien nous entretenir du respect d’autrui, de l’amour, de la joie, de la souffrance. Mais que saurions-nous vraiment de tout cela, qui est si important, si nous n’avions pas été respectés, ou humiliés, si nous n’avions pas été aimés ou si nous n’avions pas aimé, si nous n’avions pas eu des occasions de nous réjouir ou de souffrir ? Nous n’en saurions pas grand-chose. Il en va ainsi de la foi. Les livres et les leçons ne suffisent pas à nous la transmettre. Rien, ici, ne remplace l’expérience et le souvenir que nous en gardons, le chemin qui s’est fait en nous. Que s’est-il donc passé en nous quand nous sommes entrés dans la foi ? Pour reprendre les paroles adressées par le Seigneur à Moïse, nous avons été » portés sur les ailes d’un aigle et amenés jusqu’à » lui (cf. Exode, 19, 4). Ou encore, pour parler comme l’Apôtre Paul, nous avons reconnu que » Dieu confirme ainsi son amour envers nous : c’est quand nous étions encore pécheurs que Christ est mort pour nous. » (aux Romains, 5, 8) Telle est l’expérience par laquelle nous sommes passés, par laquelle nous passons sans cesse, lorsque nous croyons. C’est elle qui nous conduit à chanter : » Il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau. Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge. » (Psaume 99, 3, 5) D’avoir été rendus libres par Dieu, de garder son amour dans la mémoire de notre coeur, d’éprouver la bonté de Celui qui nous protège comme fait un berger pour le troupeau de son pâturage, voilà ce qui nous transforme non pas en savants ou en maîtres pour les autres, mais en ouvriers pour la moisson (cf. Matthieu, 9, 37). Sans pouvoir faire la leçon à personne, nous sommes devenus capables de guérir, de ressusciter, de purifier tous ceux qui, comme nous l’étions nous–mêmes, étaient perdus (cf. Matthieu, 10, 8) Ainsi, une bonne nouvelle pour tous court de par le monde du seul fait de ce qui est arrivé, gratuitement, à ceux qui croient. Et, surtout, n’allons pas dire, pour nous dérober au labeur de la moisson, que nous n’avons rien fait pour apprendre le métier, que nous manquons de compétence ! Certes, en invoquant de infidèles à ce qui nous est arrivé. En effet, nous n’y sommes pour rien, nous n’avons pas réussi un examen de passage, comme de bons élèves. Nous faisons seulement partie de la gerbe ! Jésus nous en avertit : » Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! » (Matthieu, 10, 8). De ce fait, comme une source en nous, pour que vivent les autres, il y a la foi en un don gratuit, qui déjà nous fait vivre. Or, nous ne pourrions pas en vivre nous-mêmes si nous avancions au milieu du monde comme des gens qui comptent et qui se gardent, au lieu de se dépenser, bref, si nous manquions d’amour désintéressé, gratuit.

Dimanche 23 juin 2002 – année A 12e dimanche du temps ordinaire

Nous n’avons pas de prix

D’une chose qui n’a pas de prix nous ne dirons pas qu’elle ne vaut rien. Nous ne dirons même pas qu’elle vaut, en réalité, très cher. Nous reconnaîtrons seulement qu’elle n’a pas de valeur marchande. Ce qui n’a pas de prix échappe au commerce. Notre vie est une vie vraiment humaine parce qu’elle est faite de certaines conduites que ne commande aucun intérêt. Dans notre vie, tout ne se vend pas, tout ne s’achète pas. Cherchons bien, nous en trouverons de ces conduites, inspirées par la gratuité, c’est-à-dire par la grâce. Ce qui n’a pas de prix échappe au commerce mais pas à l’alliance. Non, les êtres humains ne s’aiment pas les uns les autres par intérêt. Si tel était le cas, ils montreraient plus de bienveillance mutuelle. Justement, par intérêt bien compris ! L’amour, dans toutes ses manifestations authentiques, l’amitié, la fraternité, quand ils nous unissent, nous font sortir de l’ordre de la stricte utilité, du règne du donnant donnant. C’est là une merveille qui ne devrait pas cesser de nous étonner. En tout cas, c’est par là que nous pouvons apercevoir quelque chose de l’amour que Dieu nous porte. Il se peut qu’après toute l’indifférence, voire la haine, que nous manifestons à nos frères, nos torts envers Dieu soient irréparables. Et nous pouvons même le penser à bon droit si nous imaginons que Dieu est incapable d’aimer. Mais si Dieu aime ! Alors tout change et nous pouvons être sûrs que le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure (Epître aux Romains 5,15). Et c’est peu dire. Car nos fautes peuvent toujours être pesées, évaluées, entrer dans le régime de la dette et de l’obligation. Mais le don de Dieu est étranger à toute appréciation mercantile. Si telle est notre situation, nous n’avons pas de quoi nous reposer. Mais nous n’avons pas de raison d’avoir peur. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps (Matthieu 10, 28). L’âme ? C’est notre amour, la puissance que nous avons, comme Dieu lui-même, d’aimer sans compter, gratuitement. Oui, si cette âme venait à mourir, nous devrions être tristes. Mais peut-elle mourir ? Voulons-nous la tuer ?

Dimanche 14 juillet 2002 – année A 15e dimanche du temps ordinaire

Nous ne savons pas ce qui nous attend

Qu’est-ce qui va encore m’arriver ? Quand nous formulons cette question, c’est, très souvent, parce que nous sommes déjà accablés. Des épreuves de toute sorte se sont accumulées et nous avons pris l’habitude de craindre le pire. Mais nous pouvons aussi être tendus vers des événements heureux. Car la vie n’est pas faite que de malheurs. Une chose est certaine : nous avons bien raison d’être en attente. L’attente, en effet, est plus importante que l’idée que nous pouvons nous faire de ce que nous attendons. L’attente nous apprend quelque chose d’essentiel sur nous-mêmes. Que nous imaginions un avenir de joie ou de peine, l’attente nous fait vivre notre condition de créature, heureusement encore imparfaite, comme est inachevée la femme qui se prépare, dans son corps et dans son cœur, à accueillir un enfant. Par notre attente, la création toute entière passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore (Romains 8, 22) Notre attente est une grâce qui nous est donnée. Quelle misère ce serait si nous étions déjà achevés ! Ce dernier mot est terrible. Il a une résonance funèbre. En attendant, nous collaborons avec Dieu à la poursuite de notre propre création. En attendant, nous sommes en pleine action ! Mais, insistons-nous, nous ne savons pas ce qui nous attend. Tant mieux. Rien ne nous attend. Car l’avenir n’est pas quelqu’un. Or, seul quelqu’un, vous ou moi, peut attendre. Et, puisque nous avons reçu le don d’être encore, toujours, imparfaits, la grâce d’attendre, nous ne pouvons pas même supposer que nous serions voués à nous perdre. Ou, alors, l’attente ne serait plus une grâce ! Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu (Romains 8, 18-19) La grâce de l’attente anticipe sur notre gloire.

Dimanche 28 juillet 2002 – année A 17e dimanche du temps ordinaire

Une joie qui ne calcule pas

Je ne m’y attendais pas. Au contraire, j’étais tout tendu, avide de trouver, enfin ! le trésor, la perle. En vérité, peu importe que je sois surpris par ce qui m’arrive ou que l’événement vienne terminer une longue recherche. Une seule chose compte, une chose qui ne se comptabilise pas. C’est ma joie d’avoir trouvé. Alors je suis possédé par ma joie. Alors, ma joie me possède. On dira l’un ou l’autre, comme on voudra. Ce qui est sûr, c’est que tout le reste, tout ce que j’avais, se met à pâlir, à perdre de sa valeur. Une seule chose a du prix. C’est ma joie. Pour que ma joie demeure, je suis prêt à me débarrasser de tout ce qui pourrait en compromettre la permanence. Car il s’agit bien de cela. Je pourrais être encombré par ce que je possède déjà – et qui me possède ! Du coup, s’envolerait ma joie d’avoir trouvé ce que, pourtant, je ne possède pas encore tout à fait, ce qui m’est promis par ma joie. Alors, déchargeons-nous de ce qui détruirait notre joie ! Quand Jésus s’adresse à nous, en nous annonçant son Evangile, il nous sait capables d’aimer une telle joie, une joie qui ne calcule pas, une joie généreuse. Est-ce que, par hasard, Jésus se serait trompé sur ce que nous sommes, sur notre aptitude à aimer la joie ? Non, il ne s’est pas trompé mais, nous autres, nous pouvons toujours nous refuser à la joie d’être surpris par ce que nous n’attendions pas et qui nous arrive, par la joie d’avoir trouvé ce que nous désirions depuis longtemps. Alors, nous sommes tristes ! L’Evangile nous délivre de notre tristesse. Mais nous avons de la peine à l’accueillir comme une Bonne Nouvelle, parce que nous sommes regardants. Nous regardons à la dépense qu’il faudra faire pour le recevoir et pour en vivre à jamais, dès à présent. Heureusement pour nous, Jésus insiste. Des paraboles sont là, dans nos oreilles, celle du trésor caché dans le champ, celle du négociant qui cherchait des perles fines. Obstinément Jésus nous rappelle que nous sommes capables d’une joie qui ne calcule pas. Et saint Paul en rajoute : » Frères, nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Epître aux Romains 8, 28)

Dimanche 22 septembre 2002 Année A – 25e dimanche du temps ordinaire

Nous sommes tous des bénévoles

Nous travaillons pour pouvoir vivre et faire vivre les nôtres. En échange de notre travail nous sommes payés. Ainsi pouvons-nous subvenir à nos besoins. Nul n’échappe à cette condition. C’est une grande détresse quand manque le travail ou
quand notre rétribution est insuffisante. Mais il nous arrive aussi d’accomplir des travaux sans rien recevoir en retour, sans même rien attendre. Nous sommes alors des bénévoles. Nous rendons des services qui pourraient être payés. Mais nous estimons que nous sommes assez payés de retour d’avoir été embauchés. Car c’est un malheur, certes, de ne pas travailler, de ne pas pouvoir vivre de son travail. Mais c’est un malheur plus grand encore de n’être pas embauché. » Pourquoi êtes-vous restés là toute la journée sans rien faire ? Ils lui répondirent : « Parce que personne ne nous a embauchés « . (Matthieu 20, 6-7) La vraie joie n’est pas de travailler. Elle n’est pas non plus d’être équitablement récompensé pour son travail. Elle n’est pas davantage de pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux des autres. La vraie joie est de n’être pas laissé pour compte, d’être associé à la vie commune de tous en fonction de ses capacités. La pièce d’argent, (cf. Matthieu 20, 2) qu’on reçoit alors n’est pas un salaire. Elle est sans rapport avec le travail accompli. Elle ne paie aucune peine. La pièce d’argent, la même pour tous, est le signe de l’alliance gratuite à laquelle nous appartenons. Voilà jusqu’où nous pouvons aller dans la vie que nous partageons entre nous. C’est là que l’Evangile nous rejoint. C’est cela qu’il nous appelle à approfondir et à dépasser dans la foi. Nous n’entendons rien à l’Evangile, si nous disons : » Ces derniers n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur. » (Matthieu 20, 12). Comme si tout, dans notre vie, relevait du salariat ! Comme si nous ne connaissions pas aussi le bonheur d’être unis les uns aux autres et avec Dieu par une Alliance qui se moque de la comptabilité ? Soyons heureux que le Maître nous réponde : » Mon ami, je ne te fais aucun tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent. Prends ce qui te revient, et vas-t-en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon argent ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Dimanche 29 septembre 2002 – année A 26e dimanche du temps ordinaire

» Les publicains et les prostituées vous précèdent… «

Qu’y a-t-il de commun entre des publicains et des prostituées ? Les uns et les autres trafiquent, plus ou moins contraints, plus ou moins volontaires. Ils font commerce de choses qui ne sont pas à vendre. Ils tirent profit de ce qui n’est là que pour unir. Car l’argent, nos corps sont des liens entre nous. Ils nous distinguent et nous rapprochent. Ils sont au service de notre liberté, de notre reconnaissance mutuelle. Bref, de quiconque trafique on ne peut dire ce que Jésus déclare de Jean : il avance sur » une voie de justice » (Matthieu 21, 32) Or, publicains et prostituées sont comme des caricatures d’une conduite qui est hélas ! fréquente en humanité. Comme le fait une caricature, ils révèlent, jusqu’à l’outrance, des traits que d’ordinaire dissimulent les habitudes de la société. Ainsi reconnaître ce qu’il y a de trafic dans nos comportement est, nous dit Jésus, un geste qui nous sauve. Quel dommage de s’y refuser ! » Et vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas repentis dans la suite pour le croire ! ». (Matthieu 21, 32) Se repentir ou, plus simplement changer d’avis et croire qu’il y a mieux à faire qu’à trafiquer, telle est la chance ou, plutôt, la grâce qui est offerte à tous. Mais encore faut-il, pour cela, se donner du temps. Avons-nous remarqué que pour l’enfant qui ne fait pas la volonté du père il n’y a pas d’après, pas de plus tard ? Il reste en lui, chez lui, fixé sur lui-même, content de soi. L’autre, celui qui d’abord a dit non, ne se tient pas pour condamné par le non qu’il a dit. Il n’est pas allé jusqu’au bout de lui-même. Il n’est pas satisfait. Il reste libre, jusque dans son malheur. Bref, il a un avenir. Il ne se confond pas avec son refus passé. Car c’est un avenir que le père donne à ses enfants, quand il dit à chacun : » Mon enfant, va-t’en travailler aujourd’hui à la vigne. » (Matthieu 21, 28) Aujourd’hui ! Aujourd’hui ne colle pas à nous comme un passé accompli, qui ferait de nous des morts. Aujourd’hui résonne comme l’annonce d’un futur de vie. Les deux enfants se ressemblent en ce qu’ils ont d’abord, tous les deux, renoncé à vivre la richesse annoncée par l’aujourd’hui. Mais il se distinguent en ce que l’un des deux a cru » plus tard » (Matthieu 21, 29) à la promesse contenue dans l’aujourd’hui, pourvu qu’il parte travailler, non comme un trafiquant, à la façon des publicains et des prostituées, mais comme un homme libre. Oui, il est libre, parce que l’ordre du père l’avait appelé à se libérer de lui-même et de tout ce qui pouvait l’entraver. En un mot, avec le temps, il avait cru à la force de la parole qu’il avait entendue.

Dimanche 13 octobre 2002 – année A 28e dimanche du temps ordinaire

» Tous, les mauvais comme les bons «

» Je ne vauxrien « . C’est peut-être vrai, si l’on considère ma capacité à apprendre les langues étrangères, à gérer mes affaires ou même, pourquoi pas ? à écouter les autres et à essayer de les comprendre. » Je suis très fort « . C’est peut-être vrai, si l’on considère non plus mes échecs mais mes réussites. En vérité, quand j’ai déclaré » Je ne vaux rien » ou » Je suis très fort « , je ne suis guère avancé. Je me suis évalué. Rien de plus. Oui, il est facile de se vanter comme de se déprécier. Il est plus difficile de mettre sa joie dans l’appel que nous entendons à vivre avec tous comme si nous étions à la noce. Alors il n’est plus question de s’évaluer. Il suffit de se réjouir. » Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. » (Matthieu, 22, 2-3) Il est bien étrange de refuser l’invitation. Il est plus étrange encore de prétendre que nous avons mieux à faire que d’aller à la noce, c’est-à-dire que de célébrer une fête d’Alliance. Mais que dire si l’on en vient à tenir l’invitation elle-même pour insupportable, au point d’en anéantir toute trace ? Pourtant, tout au long d’une vie, que d’invitations à prendre part à l’Alliance ! » Voilà : mon repas est prêt, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez au repas de noce. » (Matthieu, 22, 4). Pourquoi ne pas se mettre autour de la table ? Est-ce que, par hasard, nous préférons mourir de faim, nous exposer à être tués ? Heureusement, l’invitation à la noce est plus forte que notre suffisance ou que le mépris que nous pouvons avoir de nous-mêmes. » Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. » (Matthieu, 22, 10) Et s’il arrive que le Roi en personne nous reproche d’être là sans porter une tenue de noce, surtout, ne gardons pas le silence ! Car, après tout, nul n’avait été prévenu qu’il fallait être impeccable. Prenons la parole. Demandons au Roi de nous habiller lui-même comme il faut. Il le peut ! Il n’a qu’un mot à dire ! » Seigneur Dieu, mon Bien-Aimé ! Si le souvenir de mes péchés t’empêche de m’accorder la grâce que je sollicite, accomplis ta volonté, car c’est là ce que je préfère. Et cependant, j’ose t’en supplier, donne lieu à ta bonté, à ta miséricorde de resplendir dans le pardon que tu m’accorderas. Si ce sont mes œuvres que tu attends pour m’accorder l’objet de ma requête, donne-les moi en les opérant toi-même en moi. Joins-y les peines que tu voudras bien accepter, et qu’elles viennent… » (Saint Jean de la Croix)

Dimanche 3 novembre 2002 – année A 31e dimanche du temps ordinaire

Vérité des Béatitudes

» Heureux les pauvres de cœur… Heureux les doux… Heureux ceux qui pleurent …, Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… » (Mat. 5, 3-6) Soyons sincères. Il nous arrive parfois d’être embarrassés par les Béatitudes. Nous voulons bien admirer ces paroles de Jésus, mais à condition d’en rester à distance. Nous passons beaucoup de temps à les excuser, comme si nous en concevions une certaine gêne. Nous entrons dans des explications interminables et souvent confuses. Nous dépensons beaucoup de peine à formuler ce que Jésus n’a pas voulu dire. Mais saisissons-nous bien ce qu’il a dit ? Jésus, disons-nous, ne peut pas exalter ni recommander des conduites qui diminuent notre joie de vivre. Pas davantage il ne peut nous inviter à supporter cette vie présente dans la douleur, sous prétexte qu’une autre nous attend. C’est entendu. De fait, si nous devions placer notre bonheur dans ce qui nous détruit, nous aurions transformé en idoles cruelles nos souffrances et la vie éternelle elle-même. Nous devrions alors nous détourner du message de l’Evangile, afin de pouvoir vivre et aimer vivre. Or, nous restons confiants dans les paroles de Jésus. Pourquoi donc ? Parce que nous croyons que de tout ce qui est humain Jésus a fait et fait encore du bonheur, même de notre dénuement, même de ce qui nous écrase. Le mal pourtant n’est pas devenu le bien. Ce qui nous blesse n’est pourtant pas devenu un remède. Mais le mal et nos blessures sont maintenant, comme tout le reste de notre vie, des chemins ouverts. La voie est étroite. Mais nous pouvons y passer ! Nous continuons à marcher, à aller plus loin. Oui, l’appel de Jésus retentit comme un ordre de marche. Jésus nous dit : » En avant ! » S’il attire notre attention sur certaines conduites, c’est parce que nous sommes toujours tentés d’en avoir peur. Nous craignons qu’elles nous réduisent à néant. Et, pourtant, même alors, nous naissons à la vie comme des enfants. » Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. » (l Epître de Jean, 3, 2)

Dimanche 17 novembre 2002 – année A 33e dimanche du temps ordinaire

La naissance de Dieu en humanité

La plupart des grandes traditions religieuses ont été sensibles à la souffrance et au malheur. Quelles que soient les doctrines professées, elles ont tenté de donner une réponse à l’attente d’un salut. La Bible ne fait pas exception. Il suffit d’ouvrir le livre des Psaumes pour entendre le cri qui monte du cœur des croyants. Les chrétiens n’ont pas de difficulté à faire leurs ce cri et la confiance dont il témoigne. Pourquoi en est-il ainsi ? Sans doute parce que Dieu est toujours compris comme quelqu’un qui peut entrer en communication avec nous et qui, de fait, nous rejoint quand nous le prions. Or, ce Dieu est invoqué par des êtres humains qui sont dans la détresse, qui pleurent sur la peine des autres, sur leur mort et qui s’interrogent sur le sens de leur propre vie et de leur propre mort. Bref, la question du salut est un lieu de passage obligé sur le chemin de quiconque prie et croit. Notre appel est déjà une réponse La foi invite à entendre le cri des hommes qui monte vers Dieu comme une parole que Dieu lui-même nous adresse. Notre appel est déjà une réponse. Il n’est pas seulement le désir ardent d’une réponse. Pour cette raison, toutes les formules dans lesquelles nous pensons trouver une explication de notre misère, même si nous les étayons sur la Bible, nous semblent toujours, d’une certaine façon, insuffisantes. Elles ne font pas taire vraiment notre appel vers Dieu. Il arrive même parfois qu’elles relancent cet appel. S’il en est ainsi, c’est parce que c’est Dieu en personne qui, en nous, se tourne vers Dieu pour lui demander que nous soyons sauvés. Ainsi le gémissement humain porte-t-il en lui-même tout l’infini de Dieu. Il nous est soufflé par l’Esprit du Fils de Dieu devenu notre frère. La voix humaine, la nôtre donc, est inspirée par le Souffle de Dieu. C’est pourquoi notre invocation est pleine d’espérance et nous donne de la paix. Vraiment l’un de nous Cette singularité du salut biblique culmine dans la foi en la venue et en la présence, en nous et entre nous, d’un Dieu qui est vraiment l’un de nous. Ainsi, en lisant la Bible, prenons-nous l’habitude d’entendre l’appel au salut et la réponse à cet appel dans ce qu’il y a de plus humain dans l’humanité. Nous en venons à accueillir comme une parole qui nous est adressée par Dieu lui-même l’énigme, si gravement humaine, de toute naissance. Dieu vient. L’Enfant qui naît, le Fils qui nous est donné introduit dans le monde une vie comme la nôtre, à ceci près – et ce n’est pas peu ! – que cette vie, qui connaîtra la mort, comme toute vie humaine, nous délivre de la mort. Quand on réalise que tel est bien le message chrétien sur le salut, quand on admet que la naissance elle-même de l’homme est glorifiée à Noël, on est émerveillé. Mais il arrive aussi qu’on résiste à cet émerveillement. Car il n’est pas facile d’accepter que la plus extrême fragilité de l’home, celle de la naissance qui nous voue à mourir, soit la voie du salut. Pourtant, c’est bien jusque-là que nous conduit la foi biblique.

(Extrait de Initiales, n° 177, novembre-décembre 2002)

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