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 En attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ 

«Grâce pour vous et paix de la part d'un Dieu notre Père et (celui) du Seigneur Jésus Christ. Je rends grâce à mon Dieu en tout temps à votre sujet pour la grâce de Dieu à vous donnée en Christ Jésus, parce que vous avez en tout été enrichis en lui, en toute parole et toute connaissance, selon que le témoignage du Christ a été affermi en vous, en sorte que vous ne manquiez d'aucun (bien) de grâce, en attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui aussi vous affermira jusqu'au bout, irréprochables (que vous serez) au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils Jésus Christ notre Seigneur.»


1 Corinthiens I, 3-9

J'engage la traversée de ce passage en attirant votre attention sur un trait qui, à première lecture, peut échapper.  

Ce texte peut se lire comme un effort pour dissiper une certaine peur : la peur de manquer, la peur d'être défaillant et de s'entendre reprocher d'être défaillant.

Quels sont les indices qui peuvent nous mettre sur ce chemin ?

Dès le début, nous lisons : "Grâce pour vous et paix de la part d'un Dieu notre Père". Vous avez certainement observé que ce terme de "grâce" revient avec une certaine insistance : "Je rends grâce à mon Dieu", "pour la grâce de Dieu à vous donnée en Christ Jésus", "en sorte que vous ne manquiez d'aucun (bien) de grâce". Cette insistance à affirmer que la grâce est là peut s'entendre comme un effort pour écarter la peur de n'être pas gracié. Aussi, d'emblée, ce qui est envoyé, c'est la grâce et la paix.

Autre trait qui peut nous suggérer que la peur est là, une peur qu'il faut dissiper : "vous avez en tout été enrichis", vous n'êtes pas des pauvres, vous avez des ressources. Bien plus, vous avez été affermis. Ce terme revient, lui aussi, par deux fois : "le témoignage du Christ a été affermi en vous" : d'une certaine façon, ce n'est pas vous qui avez été affermis, mais vous êtes comme un terrain ferme, sur lequel le témoignage de Christ a pu s'établir, "en sorte que vous ne manquiez d'aucun (bien) de grâce". Tous ces indices confirment ce sentiment que nous sommes devant un effort pour écarter une peur.  Et encore ceci : "C'est lui qui aussi vous affermira jusqu'au bout, irréprochables (que vous serez) au jour de notre Seigneur Jésus Christ". Bref, vous n'avez pas à vous inquiéter : il est fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés.

Comment s'y prend-on pour dissiper la peur ?

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"Grâce pour vous et paix de la part d'un Dieu notre Père et (celui) du Seigneur Jésus Christ." Nous pouvons entendre cette phrase de deux façons, et je pense qu'il n'y a pas moyen de trancher : ou bien nous comprenons que la paix vient de Dieu qui est notre Père, et vient aussi du Seigneur Jésus Christ, ou bien nous comprenons que la paix vient de la part d'un Dieu qui est notre Père et qui est aussi celui du Seigneur Jésus Christ.

Il me semble toutefois que, si nous lisons le texte jusqu'au bout, surtout si nous prêtons attention à ses dernières lignes, nous sommes invités à admettre la seconde interprétation. Que lisons-nous, en effet, à la fin ? "Il est fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils Jésus Christ notre Seigneur." Autrement dit : vous avez été appelés à communier avec quelqu'un qui est fils de Dieu, Jésus Christ, notre Seigneur ; donc, si vous communiez avec quelqu'un qui est le fils de ce Dieu appelé Père, c'est que vous participez à la même condition que lui, à la condition de fils, et vous êtes fils comme lui. Aussi, j'inclinerai à entendre que nous devons comprendre : "Grâce pour vous et paix de la part d'un Dieu" qui est notre Père et qui est aussi celui du Seigneur Jésus Christ. Cette communauté dans l'appartenance filiale écarte la peur que j'évoquais et autorise à parler de paix et de grâce.

"D'un Dieu notre Père et (celui) du Seigneur Jésus Christ." J'attire votre attention sur le fait que cette dénomination de Jésus revient fréquemment. Un peu plus bas, il s'agit de "la grâce de Dieu à vous donnée en Christ Jésus" : il n'est plus fait état du Seigneur. Le Seigneur Jésus Christ revient encore ailleurs : "en attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ", "au jour de notre Seigneur Jésus Christ", et, enfin, "Jésus Christ notre Seigneur".

Que retirer de ces observations ? Que Jésus n'est jamais absent. Il est constamment nommé et il est toujours associé à un nom de fonction : Jésus en tant que Christ, c'est-à-dire Jésus en tant que Messie, et nous aurons tout à l'heure à dégager de ce texte ce que Messie, ou Christ, peut bien vouloir dire.

Remarquons aussi que le titre de Seigneur vient chaque fois, mais pas toujours de la même façon : "de la part d'un Dieu notre Père et (celui) du Seigneur", alors que, lorsque le Seigneur reviendra, il sera toujours qualifié comme "notre Seigneur Jésus Christ" ou comme "Jésus Christ notre Seigneur".

Enfin, autre remarque, il y a un moment où il ne s'agit que du témoignage du Christ. Au beau milieu de ce passage, il n'est plus fait état de Jésus, ni du Seigneur, mais du Christ.

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Que tirer de toutes ces observations ?

Une leçon très importante. Il s'agit de savoir dans quel type d'expérience notre vie dans le temps se trouve engagée lorsque nous acceptons le témoignage porté sur le Christ, sur quelqu'un qui est Messie.

A ce moment-là, nous acceptons d’être en attente. En effet, dire Christ, c'est prononcer un nom, mais un nom qui a pour répondant en nous une attitude spirituelle qui est l'attente. Le Messie, ou le Christ, c'est celui qui est attendu.  

"En sorte que vous ne manquiez d'aucun (bien) de grâce, en attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ". Si j'avais voulu traduire de façon tout à fait traditionnelle, j'aurais proposé : "en attendant la révélation de notre Seigneur Jésus Christ". Si j'avais voulu être encore plus près du texte original, j'aurais proposé : "en attendant l'apocalypse de notre Seigneur Jésus Christ". Or "apocalypse" signifie "découverte", le passage de l'état caché à l'état manifeste. Il m'a semblé qu'il était possible, pourvu qu'on mît une majuscule, afin de révéler la force du mot, de traduire par "Découverte".

Nous rejoignons avec toutes ces remarques la question par laquelle je commençais cette traversée, la question de la peur : "en sorte que vous ne manquiez d'aucun (bien) de grâce, en attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ". Quand on attend, on manque de ce que l'on attend, on n'a pas ce que l'on attend. Or, nous sommes en train de faire apparaître une véritable subversion de la notion d'attente. Nous avons bien à attendre, et le jour de la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous domine et qui est attendu, ce jour n'est pas arrivé. Pourtant, dans cette attente, nous ne manquons de rien. Nous ne manquons d'aucun bien de grâce. Sans doute nous attendons, mais notre attente est le signe de sa venue passée. Aussi notre attente est-elle débarrassée de toute peur. Pour dire les choses encore plus clairement, nous l'attendons parce qu'il est venu, ou mieux : puisqu'il est venu. Ce qui transforme notre attente en un signe, c'est que cette attente est en nous le fruit du don qui nous est fait. "Grâce pour vous", "Je rends grâce à mon Dieu", "pour la grâce de Dieu à vous donnée en Christ Jésus". Il y a de la grâce dans votre attente, cette attente est lestée d'un don : le don d'attendre nous a été fait.

Si nous allons au fond d'une telle réflexion, nous entendons ici l'affirmation de l'éminente grandeur du temps dans lequel nous sommes.  Temps de l'attente, oui, mais ce temps de l'attente n'est pas un temps de misère, c'est un temps riche, plein.

*

Car "le témoignage du Christ a été affermi en vous". Comment entendre cette expression ? Témoignage qui a été porté sur le Christ et que vous avez reçu : vous avez cru qu'il y a eu un Christ, un Messie. Telle est une première façon d'entendre. Mais nous pouvons aussi comprendre : le témoignage que le Christ lui-même porte en s'établissant fermement en vous, le témoignage que le Christ porte par l'attente que vous avez de sa Découverte.

Je ne choisis pas entre le témoignage qui a été porté sur le Christ et que vous acceptez, que vous avez accepté, et, d’autre part, le témoignage que le Christ porte lui-même dans la fermeté qui est la vôtre. Quoi qu’il en soit, la conséquence est celle-ci : n'allez surtout pas vous imaginer que vous manquez. Car vous pouvez toujours vous imaginer que vous manquez. Mais si vous vous imaginez que vous manquez, tout s'effondre de ce qui s'est passé. Donc, croyez-moi, vous n'avez pas à craindre. J'en reviens toujours à cette question de la peur de manquer ! "En attendant la Découverte de notre Seigneur Jésus Christ" : cette attente pourrait vous faire croire que vous manquez. Mais non ! vous ne manquez pas, puisque aussi bien cette attente est le fruit en vous d'un don qui vous a été accordé.

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Continuons. "C'est lui qui aussi vous affermira jusqu'au bout, irréprochables (que vous serez) au jour de notre Seigneur Jésus Christ."

On discutera à perte de vue pour savoir à qui renvoie le "C'est lui". Les uns penchent pour affirmer que ce "lui" désigne notre Seigneur Jésus Christ. D'autres disent : ce "lui" renvoie à Dieu. En effet, Dieu avait occupé le début de ce passage : "Grâce pour vous et paix de la part d'un Dieu notre Père", "Je rends grâce à mon Dieu", "pour la grâce de Dieu à vous donnée en Christ Jésus". Nous n'aurions pas de préférence à marquer, là encore, si nous ne lisions pas la fin. Or, la dernière phrase me paraît indiquer de quel côté nous pouvons de préférence pencher. "C'est lui qui aussi vous affermira jusqu'au bout", "Il est fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés". Il me semble que le "c'est lui qui aussi" nous dirige vers ce Dieu qui, dès le début, envoie grâce et paix. C'est ce Dieu qui occupe toute l'étendue du temps futur. En effet, plus nous avançons dans le texte, moins nous sommes reportés vers le passé, et plus c'est l'avenir qui est envisagé : "en attendant la Découverte... C'est lui qui aussi vous affermira jusqu'au bout".

Comment entendre "jusqu'au bout" ? Faut-il comprendre : qui vous affermira jusqu'au dernier moment, sans interruption ? Il semble bien que le temps, tout en restant une succession d'événements, soit d'un seul tenant. Pas de vide dans ce temps, même s'il y a des dates, et même s'il y a une attente.  Ou bien, on peut comprendre aussi : c'est lui qui vous affermira complètement, car vous pouvez craindre, présentement, de ne pas être à point. Nous aurons toujours des reproches à nous faire. La belle affaire ! "irréprochables (que vous serez) au jour de notre Seigneur Jésus Christ", au jour de sa Découverte. Est-ce que, pour autant, notre condition actuelle en est rendue malheureuse ? Ce n'est pas sûr. Pourquoi ? Parce que nous sommes enrichis de la grâce de Dieu donnée en lui, Jésus Christ, dans le temps. Parce que le témoignage du Christ a été affermi en nous. Nous ne manquons de rien, bien que nous attendions sa Découverte.

Qu'est-ce qui fait que cette vie dans le temps, un temps d'attente, ne manque de rien ? C'est que c'est une vie tout entière dépendante de la fidélité de Dieu. "Il est fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils", à ne faire qu'un avec son Fils, "Jésus Christ notre Seigneur". Or, vous ne faites qu'un avec lui.

Nous avons part à la condition du Fils, qui lui-même est Seigneur, et notre attente de la Découverte du Seigneur, en tant qu'il est le Messie, l'Attendu, n'est pas une disgrâce.


25 novembre 1999

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