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 L’Etant et l’Etait et le Venant 

«Grâce à vous et paix de par l’Etant et l’Etait et le Venant, et de par les sept Souffles qui (sont) en face de son trône, et de par Jésus Christ, le témoin, le fidèle, le premier-né des cadavres et le chef des rois de la terre. A Celui qui nous aime et nous a déliés de nos fautes dans son sang – et il a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père -, à Lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.

"Voici, il vient avec les nuées,
et le verra tout œil
et ceux-là qui l’on transpercé,
Et se frapperont (la poitrine) sur lui toutes les tribus de la terre."

Oui, Amen. Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, l’Etant et l’Etait et le Venant, le Tout-Puissant.»


Apocalypse I, 4b-8

Il y a, en tout premier lieu, cette étrange formule que j’ai tenu à restituer dans son état originel: «l’Etant et l’Etait et le Venant». La plupart du temps on traduit: «Celui qui est, qui était et qui vient». Cette formule vient par deux foisau début et à la fin de ce passage. Elle est rendue ici telle qu’elle se présente dans le texte, comme un bloc fixe, indécomposable.

Autre caractéristique. Tout commence par une adresse: «Grâce à vous et paix» Quand nous employons une tournure de ce genre, ceux qui parlent se distinguent de ceux auxquels ils s’adressent. Or, aussitôt après, nous lisons: «à celui qui nous aime et nous a déliés de nos fautes… et il a fait de nous». On passe du «vous» au «nous», avec toute l’ambiguïté du «vous». Comme «vous», c’est un pluriel, mais le «nous» signifie-t-il:nous, à l’exclusion devous, à qui nous nous adressons? ou bien: vous avec nous? Au point où nous en sommes, nous ne pouvons pas décider.

Le texte avance et on ne parle plus ni de «vous», ni de «nous», mais d’un ensemble, de tous: « ''et le verra tout œil… Et se frapperont (la poitrine) sur lui toutes les tribus de la terre''». Cette totalité est encore présente dans le dernier mot par lequel nous quittons le texte: «le Tout-Puissant».

Intervient en outre dans le texte, à deux reprises, une formule d’approbation, d’approbation heureuse. Tel est le sens de ce «Amen» qui est même, vers la fin, souligné : «Oui, Amen», comme si on voulait renchérir sur l’adhésion.

Nous observons que le registre du pouvoir est très présent. Il est presque constant. Il est déjà là lorsque l’on parle du trône de «l’Etant et l’Etait et le Venant». Il est bien entendu de nouveau présent avec «le chef des rois de la terre», de nouveau avec le «royaume» et, bien sûr, quand apparaît la puissance, et aussi la gloire: «à Lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles». De nouveau, nous le retrouvons avec le dernier mot: « ''le Tout-Puissant''».

Je crois que nous en avons fait assez pour maintenant entrer dans ce passage.

*

«Grâce à vous et paix de par l’Etant et l’Etait et le Venant». Etonnons-nous de cette formule. Si la grâce et la paix sont mentionnées comme envoyées et produites par l’Etant et l’Etait et le Venant, est-ce que ce ne serait pas parce que l’Etant, l’Etait et le Venant pourraient envoyer et produire autre chose que grâce et paix?

Demandons-nous s’il n’y a rien de plus insupportable qu’un être qui est, qui était et qui est encore en train de venir. Je voudrais nous inviter à être étonnés que cet être-là puisse nous donner grâce et paix. Ou, plus exactement, si celui qui écrit ce texte tient à dire grâce et paix de par celui qu’il désigne ainsi, est-ce que ce n’est pas parce que cet être pourrait, au contraire, nous faire peur, parce qu’il n’y aurait plus de place pour nous, pour notre existence? Mais, si j’ose dire, il ne va pas de soi, non seulement que Dieu soit, mais que nous puissions dire: d’accord!

Est-ce que ce passage ne nous invite pas à reconnaître la transformation que nous avons à faire quand nous affirmons qu’il y a quelqu’un qu’on peut désigner de cette étrange façon, en lui attribuant tous les insignes du pouvoir, toute la puissance qui appartient à des souffles, à du vent? Comment pouvons-nous intégrer à notre pensée que ce qui vient de lui met en nous grâce et paix, et non pas condamnation et guerre?

Ainsi, il suffit parfois, quand on lit un texte, de reconnaître qu’il ne va pas de soi pour qu’aussitôt il s’éclaire et apparaisse porteur d’un message encore inaperçu.

La grâce et la paix sont affirmées comme ne venant pas seulement de celui qui investit la totalité du temps et qui, je vous le signale, ne fait rien, se contente d’être, d’exister: «Etant… Etait... Venant… et… les… Souffles… sont en face de son trône». Elles viennent aussi de par Jésus Christ, qui est appelé tout de suite le témoin : «le témoin, le fidèle». Entendez: celui qui ne trompe pas, celui qui témoigne en toute vérité et droiture de ce qui s’est passé. Par là nous entrons non pas seulement dans le temps, mais dans l’histoire. Jusqu’à présent, avec l’Etant et l’Etait et le Venant, nous étions assurément dans le temps, mais dans un temps inoccupé. Si vous voulez, on peut direque l’histoire, c’est le temps, mais rempli, et que le temps, c’est l’histoire, mais vide.

Avec Jésus Christ, nous passons du temps vide au temps rempli. D’abord, nous passons à quelqu’un qui a un nom, Jésus. Nous passons à quelqu’un qui a une fonction: il est Christ, Messie. Surtout, nous passons à quelqu’un à qui est arrivé quelque chose. Nous en venons à quelqu’un pour qui, et en qui, un événement s’est produit, dans la chair de son être: il est le premier-né des cadavres! Il s’agit de celui qui a surgi comme un être qui naît. Comme nous sommes loin de l’Etant, de l’Etait et du Venant! Pour l’Etant, l’Etait et le Venant, il n’y a pas de naissance possible, pas davantage de mort. Avec Jésus Christ, qui est aussi producteur de paix, il en va tout autrement. Il est du même niveau que ceux auxquels on peut s’adresser. Il a non seulement des événements à son actif, mais il remplit une fonction par rapport à ceux qui, dans ce monde, sont puissants: il est «le chef des rois de la terre».

Et maintenant il n’y en aura plus que pour lui. C’est lui qui occupe la partie centrale de ce passage.

*

«A Celui qui nous aime''- nous passons au "nous" -'' et nous a déliés de nos fautes dans son sang – et il a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père -, à Lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.» Il a fait quelque chose et il fait encore quelque chose. Il nous aime et, sur le fond de cet amour qu’il a pour nous, il nous a déliés de nos fautes en versant son sang, en n’étant pas du côté du pouvoir, mais du côté de ceux qui, en raison de leur faiblesse, sont victimes.

Il nous a déliés de nos fautes, non par une sorte de déclaration, comme peut le faire un juge qui dit : tu étais coupable, tu étais fautif, tu ne l’es plus! Ce premier-né des cadavres a versé son sang. Nos fautes, il les a supprimées parce que il y a mis le prix, et celui-ci n’est autre que son anéantissement. Nous aurons à nous demander, quand nous aurons avancé un peu plus dans ce passage, pourquoi il y a un lien entre les fautes et le sang versé. Tout ce que nous pouvons dire au moment où nous en sommes, c’est que nos fautes faisaient de nous des prisonniers: «il nous a déliés de nos fautes dans son sang».

Et, non seulement il a fait cela, mais «il a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père ». J’ai beaucoup hésité à traduire par royaume. J’aurais pu aussi bien traduire par royauté. Comme aussi bien, j’aurais pu traduire: il a fait de nous un royaume de prêtres.

Il s’agit d’une action dans laquelle il exerce sa puissance en y renonçant. Il nous a déliés de nos fautes dans son sang. Certes, «à Lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.» Mais c’est nous qui lui attribuons cette gloire et cette puissance, c’est nous qui le déclarons fort, puissant, parce que nous bénéficions de ce qu’il a fait. Il a fait de nous un royaume, des êtres qui sont en relation avec son Dieu et Père. Il a conjuré à tout jamais la peur que nous pourrions avoir devant celui qui est l’Etant et l’Etait et le Venant (car, redisons-le encore une fois, devant l’Etant et l’Etait et le Venant, il ne va pas de soi que nous n’ayons pas peur!) Or, désormais, grâce à celui qui a versé son sang, qui s’est anéanti, nous n’avons plus peur et nous pouvons le reconnaître, le proclamer comme le Puissant: «à Lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.»

*

C’est du présent que traite la fin de ce texte, du présent ouvert. «Voici, il vient». Rappelez-vous que tout à l’heure, il y avait le Venant, avec la possible menace qu’il peut y avoir avec cette venue, mais menace écartée par l’envoi de la grâce et la paix. Maintenant, c’est sur ce qui reste de temps, ce qui reste d’histoire que porte l’attention.

«Voici, il vient avec les nuées».. Il vient d’un autre monde. Oui, mais pour qui vient-il?

Ici, nous allons pouvoir exploiter l’observation que je faisais tout à l’heure: ce texte commence par «vous», se continue en «nous» et se prolonge et se termine en «tout», en «tous». Or, nous pouvons maintenant lever l’ambiguïté qu’il y avait dans ce fameux «nous». Celui qui nous aime, nous qui vous parlons, vous aime, vous aussi, à qui nous parlons. Nous sommes aimés de lui ensemble. Vous, si vous le voulez bien.

«Voici, il vient avec les nuées, et le verra tout œil». J’ai beaucoup hésité à traduire ensuite: «même ceux qui l’ont transpercé». J’ai préféré la traduction la plus douce: «et ceux-là qui l’ont transpercé». Autrement dit, ce qui pourrait empêcher de le voir, c’est d’être de ceux qui l’ont tué, de ceux qui l’ont détruit, qui ont versé son sang. Or, même ceux-là le verront, puisque tout œil le verra, n’importe qui. Quand il y a «tout», il faut chaque fois entendre les deux valeurs: tous, personne n’en sera exclu ; et, aussi, n’importe qui. Autrement dit, même la volonté de détruire est elle-même détruite.

«Et se frapperont (la poitrine) – s’accuseront – sur lui – à son propos – toutes les tribus de la terre.» Le moment où tout le monde, et n’importe qui, se reconnaîtra en face de Celui qui vient est celui où chacun se reconnaîtra coupable. Il y a là une pensée très étrange, difficile à formuler. Il n’y a pas la culpabilité et puis le pardon, mais, d’un seul et même mouvement, celui qui vient est accueilli par ceux-là mêmes qui l’ont transpercé. Qui sont ceux-là qui l’ont transpercé? Toutes les tribus de la terre. C’est jusqu’à ce point là que va la puissance reconnue à Celui qui nous aime et qui nous a déliés de nos fautes.

«Oui, Amen», oui! c’est bien ainsi, aux deux sens du mot «bien»: c’est tout à fait ainsi, et il est heureux qu’il en soit ainsi, «Oui, Amen.»

*

Tout cela est signé. Car je vous propose de lire la dernière phrase comme une signature. Tout cela est signé du nom que nous lui avons donné. Il signe avec son nom. Si je dis «signer», c’est parce qu’il y a Alpha, parce qu’il y a Oméga. D’ailleurs, je vous signale que, dans le texte original, A l p h a est écrit en toutes lettres. En revanche, la lettre oméga, nous la lisons.

Moi, qui est-ce? C’est le Seigneur Dieu. Désormais, après ce qui s’est passé, nous ne pouvons plus avoir peur et nous pouvons dire: l’Etant et l’Etait et le Venant. Il y avait à exorciser la peur de celui qui est nommé ainsi, qui, à un autre moment, est nommé Dieu et Père et qui, sur la fin, est désigné comme l’Alpha et l’Oméga, le Seigneur Dieu, l’Etant, l’Etait et le Venant. Nous pouvons donc, sans avoir peur, sans vouloir le barrer de notre vocabulaire, dire «le Tout-Puissant» en toute paix et confiance.

23 novembre 2000

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