SUR AMOS VIII, 4-7.
Écoutez ceci, vous qui gobez le pauvre,
Pour faire un sabbat aux humbles de la terre...
Le pauvre nous est insupportable, mais pas à cause de sa détresse, parce qu'il nous ferait pitié. Nous voulons le supprimer parce que nous n'acceptons pas qu'il existe. Aussi voudrions-nous l'avaler, comme nous faisons pour l'air que nous aspirons, afin de nous en remplir les poumons et ainsi vivre plus à l'aise. Comme on dit familièrement, nous sommes prêts à faire la fête aux indigents ! Nous voulons les supprimer en nous repaîssant d'eux.
Pourquoi cet acharnement à tirer profit des misérables ?
Parce que nous sommes dominés par une avidité insatiable. Le temps ne porte pas assez fruit. Quel dommage qu'il y ait des pauses dans l'année, dans la semaine ! Notre intérêt est chose sacrée, nous faisons une religion de l'accroissement de notre revenu.
Quand sera-t-elle passée, la nouvelle lune,
Et du grain nous ferons notre gain
Et le sabbat, et nous ouvrirons nos sacs de blé...
Nous méprisons toute équité quand il s'agit d'augmenter nos ressources.
Pour rapetisser l'épha,
Pour agrandir le sicle,
Pour tordre les balances de fausseté...
Nous tirons parti de tout, même de ce qui devrait être respecté, même de ce qui n'a pas de valeur marchande. Car tout peut nous rapporter !
Pour acquérir avec de l'argent les faibles,
Et le pauvre au prix d'une paire de chaussures,
Et des déchets de blé nous ferons notre gain...
La pauvreté, celle qui frappe la chair des autres, celle aussi qui blesse notre propre chair, et jusqu'à nos pensées, nos sentiments, en mot, tout dénuement, quel qu'il soit, voilà ce que nous voulons anéantir, et cela avec la prétention, illusoire, d'en devenir plus puissants.
Car, et c'est là un grand mystère, la faiblesse résiste. Elle est à côté de nous, entre nous, en nous, l'invincible témoin d'un Autre.
IHVH jure par la gloire de Jacob :
" Non, jamais je n'oublierai tout ce qu'ils ont fait ! "
Guy LAFON (13-09-04)