VEILLEURS ET TRAVAILLEURS (Mc 13, 33-37 )
Le temps est plein. Chaque jour est occupé. A chaque heure une tâche est assignée. On ne peut plus rien ajouter sur l'agenda. A tout moment nous savons ce que nous avons à faire et nous le faisons tant bien que mal.
Et pourtant ! Il y a comme une fêlure dans la matière si dense, si compacte, de notre existence. Il y a la fente d'une attente. Tout n'est pas achevé. Tout reste imparfait. Tout laisse, heureusement, à désirer. Nous sommes tirés en avant et nous ne savons pas dire si nous attendons ou si nous sommes attendus.
Oui, voilà le paradoxe de notre vie. Elle est bien remplie et elle manque. Le vide ne s'ajoute pas au plein, il ne lui succède pas. Il est au cœur de nos plénitudes, il est la substance, si l'on peut dire, de l'espérance qu'elles font lever, toujours plus forte, d'autant plus forte même que nous sommes plus comblés.
C'est comme un homme parti en voyage ; en laissant sa maison, il a donné l'autorité à ses serviteurs, à chacun son ouvrage, et au portier, il a commandé de veiller. (Mc 13, 34)
Veilleur, travailleur. Ainsi en est-il de chacun de nous. Nous ne pouvons pas choisir entre les deux fonctions. L'une va avec l'autre. L'une s'entretient de l'autre. Ainsi sommes-nous maintenus aussi loin de l'oisiveté que de la satisfaction.
Personne n'échappe à cette condition. Nous pouvons tous nous y reconnaître les uns les autres comme des frères, en dépit de nos différences. Un même événement nous réunit. Il a commencé. Il est présent à tous les instants du jour et de la nuit comme Quelqu'un, comme un absent, qui vient vers nous.
Vous ne savez pas quand le maître de la maison doit venir, ou le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin. (Mc 13,35)
Non, nous ne savons quand Il viendra mais nous croyons qu'Il ne cesse de venir et de nous rencontrer.
Guy LAFON
Publié dans Paris Notre-Dame, le 27 novembre 2005