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Nous avons la douleur de partager la nouvelle du décès de Guy Lafon, en ce jeudi 16 avril 2020, au petit matin. Nous sommes conduits, par le témoignage de sa vie, à espérer, avec lui et pour lui.


Voici son commentaire, en 2006, du texte du Jeudi de Pâques :

Tandis qu’ils disaient cela, lui se tint au milieu d’eux et leur dit : « Paix à vous ! » Effrayés et saisis de peur, ils pensaient voir un esprit. Et il leur dit : « Pourquoi êtes-vous troublés et pourquoi des raisonnements montent-ils en votre cœur ? » Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Palpez-moi, et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous constatez que j’en ai. » Et ayant dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, dans leur joie, ils refusaient encore de croire et demeuraient étonnés, il leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui remirent un morceau de poisson grillé. Et l’ayant pris, il le mangea devant eux.



Il ne s’agit pas d’éblouir mais d’instruire, non pas d’aveugler le regard mais d’éclairer le cœur, non pas même seulement d’informer sur la réalité d’un fait mais d’amener à croire en sa vérité, en son efficacité d’événement qui nous concerne tous, tant que nous sommes. Sinon, comment comprendrions-nous que Jésus ne se contente pas de montrer ses mains et ses pieds ? S’il ne s’agit que d’administrer une preuve tangible, n’est-ce pas suffisant ? Comment comprendre qu’il tienne tant à ouvrir l’esprit des siens à l’intelligence des Écritures ?

Il en est ici comme pour tout ce qui touche à l’expérience en humanité. La réalité brute ne nous apprend rien mais seulement la fréquentation que nous entretenons, le commerce qui nous unit avec tout ce qui nous arrive, les questions qui en lèvent en nous et qui, peu à peu, nous transforment.

Effrayés et saisis de peur, ils pensaient voir un esprit. Soit. Voilà pour la première impression. Mais qu’ils acceptent que Jésus traite leur émotion ! « Pourquoi êtes-vous troublés et pourquoi des raisonnements montent-ils en votre cœur ? » C’est Jésus lui-même qui dissipe leur crainte d’être abusés, leur appréhension de se fier à l’irréalité et à l’imagination. « Palpez-moi et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous constatez que j’en ai. » Et comme, dans leur joie, ils refusaient encore de croire et demeuraient étonnés, il leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Et voilà que Jésus se nourrit des aliments qu’ils lui remirent : un morceau de poisson grillé. Et l’ayant pris, il le mangea devant eux.

Le doute a disparu définitivement. Ainsi la foi vient-elle non pas du spectacle qu’ils ont sous les yeux mais de l’échange qui se réalise entre eux et Jésus. C’est, d’ailleurs, un tel échange qu’il prolonge en leur rappelant les paroles dont il les avait entretenus : « Telles sont mes paroles que je vous ai dites, quand j’étais encore avec vous. » Et, allant en deçà même de ses propres paroles, il en appelle aux Écritures. Car c’est d’elles, de leur méditation, qu’il a appris lui-même la vérité sur sa propre histoire, tout ce qui se trouve écrit de moi, dit-il, dans la Loi de Moïse, et les Prophètes, et les Psaumes.

À plonger ainsi dans les Écritures il recevait et nous recevons avec lui plus et mieux encore que la prédiction d’une destinée, la sienne et la nôtre. Comme lui et avec lui, nous passons en ce que nous lisons et ce que nous lisons passe en nous. Comme du plomb qui se changerait en or, dans ce creuset, voilà que nous nous relevons de sa souffrance et de la nôtre, de sa mort et de la nôtre. Littéralement nous sommes transformés, convertis ou, si l’on préfère, nous passons de la mort à la vie, nous ressuscitons.

Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son nom la conversion pour la rémission des péchés serait proclamée à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

Mais où est donc Jérusalem ? Là où nous sommes avec lui, là où il est avec nous, au lieu où il se confie à nous en chair et en os, réellement, et où, nous autres, nous croyons en lui, véritablement.

Les « Approches pascales de la Foi », commentaires de la Semaine de Pâques par
Guy Lafon,
peuvent être téléchargées ici.

Guy Lafon est un penseur qui ne cesse de travailler la question du langage, de la parole et de la communication, celle des textes et de leur lecture, dans un propos qui, de façon libre et rigoureuse à la fois, lie anthropologie, philosophie et théologie.

Penser le christianisme dans sa singularité, faire la preuve qu’il partage pleinement, aujourd’hui comme hier, les interrogations et les préoccupations de la culture dans laquelle il s’inscrit, ainsi pourrait se définir l’esprit dans lequel se déploie la réflexion de Guy Lafon.

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